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Qu’est-ce qu’un héros ?

La plupart des jeux de rôles nous laissent entendre que nous allons jouer un personnage hors du commun soit parce qu’il détient LA vérité, soit parce qu’il est au dessus du lot ou encore parce que c’est un élu. Allons-nous jouer des héros ? Sans doute. Mais qu’est-ce qu’un héros dans les JdR ? Chacun sa vision. Essayons de faire un peu de tri.

Une certitude : autour de la table de jeu, il est fort probable que chacun ait sa vision du héros – des joueurs au MJ en passant par les concepteurs du jeu. Il peut être judicieux lors de la mise en place du jeu de faire une petite mise au point pour que tout le monde soit à peu près sur la même longueur d’onde.

Personnellement je conseillerais au MJ d’expliquer comment il interprète le rôle des PJ dans l’univers qui va être joué, de demander ensuite si dans le contexte du jeu présenté les joueurs sont d’accord ou s’ils ont un autre point de vue et d’essayer d’arriver à un consensus avant de jouer. Ça évitera de désastreuses parties où l’incompréhension règnera autour de la table.

Autre facteur : la notion d’héroïsme sera abordée différemment suivant que l’on joue à Paranoïa, Cthulhu ou D&D. L’ambiance et le système de règles influeront sur la « vie » des héros. Là aussi au MJ de faire une mise au point avec les joueurs quitte à modifier les règles pour que tout le monde y trouve son compte.

Pour le mot « héros » il est écrit dans le dictionnaire Larousse :

  • Personne qui se distingue par sa bravoure, ses mérites exceptionnels, etc.
  • Principal personnage d’une œuvre littéraire, dramatique, cinématographique.
  • Personne à qui est arrivée une aventure, qui a joué le principal rôle dans une certaine situation.

On voit qu’il existe déjà plusieurs définitions officielles pour caractériser un héros. Et la multiplication des visions du héros se retrouve dans le JdR. Je vais essayer de reprendre des archétypes héroïques que l’on retrouve en JdR, parfois en forçant un peu le trait. Les combinaisons entre les différentes versions sont fréquentes :

  • Le balaise. C’est le plus commun en JdR. En terme de jeu  il est meilleur que l’humain normal – si tant est que le jeu permette de jouer des humains. Plus fort, plus intelligent, plus bourré de pouvoirs. Il affronte des obstacles que le commun des mortels ne peut affronter. Par contre il peut avoir une mentalité de gratte papier, de perfide salaud ou de poule mouillée, là n’est pas la question. Il n’est pas tenu de se comporter héroïquement mais il est le héros.
  • La fusée. Au départ il est au ras du sol, comme tout le monde. Et au fur et à mesure il monte, il s’élève largement au-dessus des autres. Très commun et inspiré du grand ancêtre qu’est D&D. Il devient supérieur aux autres par la progression – souvent basée sur un système de niveaux. En général il se transforme en balaise avec le temps. A noter qu’il devient héros par la force des choses. Peu importe ses vertus ou la qualité de ses actions. Le tout est de cumuler de l’expérience. Jamais la fusée ne redescend sur terre. Au pire elle disparait à tout jamais dans les niveaux où il n’y a plus de règles. Je me suis toujours demandé où était l’héroïsme dans cette vision du jeu. Certes les adversaires qu’il affronte sont de plus en plus puissants mais ses moyens sont judicieusement calculés pour qu’il réussisse. Et bien souvent la puissance du PJ remplace la ruse dont il pouvait faire preuve à ses débuts.
  • Le bol-man. c’est un gars à peu près normal mais il dispose de points de chance / karma / héros / bol / destinée / aventure / etc. Ou d’un MJ qui l’aime bien… Il peut donc tenter des trucs au-dessus de la normale avec des moyens normaux MAIS mieux grâce à ses points. C’est une méthode pour compenser des règles souvent réalistes et meurtrières. C’est un bon moyen de simuler l’héroïsme même si parfois certains joueurs pervertissent le concept en faisant des actes plus idiots ou survivalistes qu’héroïques. J’ai des souvenirs de l’usage de points de héros à James Bond pour buter le méchant qui ressemblait plus à de l’acharnement que de l’héroïsme. Mais là encore le système ne présume pas de l’usage héroïque desdits points.
  • Le brave. contre vents et marées il essaie de faire le bien. Qu’il soit paladin ou super-héros, il met au service du bien des moyens au-dessus de la normale. Il est avant tout moralement au-dessus de la moyenne. Ses buts nobles font son héroïsme davantage que ses moyens.
  • Le centre du monde. L’aventure attend son existence pour naître. Le monde est figé s’il n’est pas là. Le ou les PJ sont le centre de l’aventure. C’est le MJ qui engendre l’héroïsme des PJ en faisant un effet de loupe sur leurs actions. Le défaut est de décrédibiliser le monde qui les entoure, de lui donner un aspect de décor en carton pâte. Par contre il incite les PJ à aller au devant de l’action puisque c’est eux qui vont la générer.
  • Les relations qui vont bien. Le PJ dispose d’un carnet d’adresse bien fourni qui lui permet de régler les situations à risque par PNJ interposé. « Je connais le mage qui maîtrise la téléportation, le guerrier qui combat comme un dieu et le forgeron qui fera l’épée tueuse qui va bien. Zou, c’est parti ! ». Après reste à trouver le troubadour pour chanter vos louanges quelque peu usurpées. Ce genre de situation apparaît souvent quand le MJ aime bien ses PNJ. Les héros c’est plus eux que les PJ, et le MJ se complait dans ce genre de situation. Et souvent les joueurs aiment bien ! Le côté « Je suis pote de Merlin / Luke Skywhooper / Mad Maxence », ça donne une sorte de complicité héroïque.
  • L’histoire pas les PJ. Les PJ vivent au milieu d’événements incroyables et rencontrent des héros – voir ci-dessus – mais eux ne sont que des témoins. Encore la faute du MJ. Après tout, avoir survécu à 20 ans de campagnes militaires fait-il de vous un gars qui a dû bien se planquer pour survivre ? Comme dit le Larousse, un héros peut être une « Personne a qui est arrivée une aventure ». Traverser l’Histoire peut être considéré comme une aventure mais en termes de jeu c’est un peu léger.
  • Le looser. Mauvais tirage, acte volontaire du joueur, caractère dominateur du MJ, le PJ est un looser, n’est pas adapté aux aventures, ne peut rien entreprendre sans que ça tourne au désastre, les adversaires l’écrasent par leur supériorité, etc. MAIS il survit. On peut aussi l’appeler l’anti-héros. C’est une forme de héros. Cosette dans «Les misérables » ou Woody Allen dans « Meurtre mystérieux à Manhattan ». Il n’a pas les moyens d’être un héros, donc tout ce qu’il tentera sera toujours un acte héroïque. Tout le monde n’aime pas jouer ce type de PJ, alors il faut qu’il soit pleinement choisi par le joueur sinon il finira vite au placard, ou le joueur ira jouer ailleurs.  Ce genre de situation est plus gênante quand il s’agit d’une façon de jouer imposée par le MJ : quoi que fasse les joueurs le MJ passe son temps à les mettre en situation d’échec ou d’humiliation – leur ennemi se sauve toujours, ils finissent ruinés à chaque scénario et ça empire, ils sont régulièrement ridicules, etc. Si ça peut être amusant voire générateur d’un stress stimulant, ça peut lasser aussi car l’héroïsme est rarement relié à l’échec. Cela peut rebuter les joueurs à plus ou moins long terme.
  • Le mort. « Il est mort en héros ! ». On entend souvent cette petite phrase. Sauf qu’en termes de jeu c’est un peu frustrant de perdre son PJ. Mais n’est-ce pas une belle façon de retirer avec classe un PJ en le faisant mourir héroïquement ? Quitte à prévoir la possibilité d’une création d’un nouveau PJ tout aussi puissant et intéressant pour compenser la perte.

Voilà quelques déclinaisons du héros de JdR. Ou de moyens de jouer l’héroïsme. Je suis loin de partager ces différentes visions et j’imagine que vous, lecteurs, en avez d’autres. Agrémentez l’article si vous le voulez bien.

 

3 héros
Chaque pays a ses archétypes de héros. Ici l’Américain, le Français et l’Albanais.
L’imagination fait le reste…

D’autres interrogations me viennent à l’esprit :

La notion de héros se marie-t-elle bien avec la notion de groupe tel qu’on trouve en JdR ? Ne parle-t-on pas du héros solitaire ?

Notre vision nombriliste ne nous pousse-t-elle pas à ne voir que notre PJ comme héros de l’histoire ? Avez-vous souvent vu des joueurs sacrifier le jeu de leur PJ pour mettre en valeur un autre PJ ? Notre activité est grégaire mais notre plaisir solitaire ?

Les bribes de compétitivité du Jdr, résidus des notions ludiques traditionnelles, sont-elles compatibles avec le concept d’idéal héroïque ? Nombreux sont ceux qui prennent plaisir à gagner « à tout prix ».

Je ne me suis attaché qu’à la notion de héros en terme de jeu de rôles. Je n’ai pas la prétention d’étudier l’image que l’on se fait du héros suivant les cultures et suivant les époques. Il y aurait beaucoup plus à dire. Ne sommes-nous pas passés du Prince Charmant à Tyrion Lannister, de Doc Justice à Docteur House ou D’Arsène Lupin à Dexter ? Lequel est un héros ?

La définition du héros dépendra toujours de celui qui le crée, comme si vouloir établir des règles ne pouvait fonctionner pour ce concept. Finalement on en revient au travail préliminaire que je suggérais : s’accorder sur ce qu’on veut jouer et avec quel atmosphère on veut jouer. S’affranchir de l’égoïsme et des objectifs de victoire. Ne garder que la beauté du jeu et de l’histoire jouée à plusieurs. Et là nous serons les Héros de notre rêve commun.

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L’héritage (partie 1)

L’héritage

Et si vous héritiez d’un château hanté, d’un super-pouvoir ou d’une épée maudite? Le thème de l’héritage est récurrent en JDR. Il peut être un excellent point de départ pour votre scénario ou pour la création d’un personnage au riche passé. Entrez, asseyez-vous et procédons à l’ouverture du testament…
L’héritage peut prendre de nombreuses formes que ce soit sous l’impulsion du MJ ou sous celle des joueurs. Les exemples qui suivent sont donnés du point de vue du MJ mais ils peuvent être mis en place d’un commun accord MJ-Joueurs évidemment. L’héritage peut se décliner quel que soit l’univers. Il n’implique pas systématiquement la mort du légataire.

-A la création du personnage :
Cadeau de départ. Sans doute la ficelle la plus utilisée pour justifier la possession d’un objet de valeur, rare ou magique dans des systèmes avec des points de création. Pourquoi Bob, sdf, voleur de poules aurait cet objet magique dont la valeur équivaut au PNB du Mordor ? L’héritage bien sûr. On peut se contenter d’en rester là mais on peut aussi essayer de le justifier avec un peu d’écriture. Pourquoi Papy-le-mage a légué cet objet à Bob ? Quel secret, source de problèmes –  et de scénarios – se cache derrière ce don ? N’y a t-il pas un cousin jaloux ou un fidèle serviteur – Edgar dans les Aristochats, par exemple – qui  comptait sur cet héritage ? Forcément il reviendra, frustré et prêt à récupérer « son » bien.
Tous ensemble. Vous avez envie d’unir votre groupe dès la création ? Commencez la première aventure avec un héritage commun. Vos PJ sont des super-héros, le professeur X se retire dans un monastère tibétain en Corrèze et lègue sa base secrète à votre équipe en leur disant « Je ne vous demande que deux choses : luttez pour le Bien et n’ouvrez jamais la porte verte au fond du couloir ». Notez que le professeur X n’est pas mort, ça n’est pas nécessaire pour justifier l’héritage. Et il pourra revenir les engueuler quand ils ouvriront la porte verte.
Etre un gardien de la loi. Un PJ commence sa carrière comme responsable dans le système des héritages. Dans un monde réaliste on appelle ça un notaire. J’appelle ça gardien de la loi pour couvrir d’autres univers. Ça peut paraître rébarbatif mais ça donne accès à des connaissances et des moyens de pression ouvrant des perspectives de jeu – Voir les chapitres suivants.

-En cours de partie :
L’héritage lointain. Envie de bouger ? Un héritage à l’autre bout de la galaxie motivera les PJ quitte à devoir se déplacer pour le toucher. Attention d’être sûr que le déplacement motivera tout le monde au risque de voir le groupe se scinder. Inversement ça peut être l’occasion de justifier l’absence d’un joueur, son PJ est parti chercher son héritage. Quand il reviendra de ses vacances à Courchevel, son PJ ramènera un élément qui aidera la suite du scénario ou compliquera celui-ci selon vos besoins de MJ.
L’héritage qui entraîne une quête. Le gros truc à tiroir. Ca commence par une enveloppe, que l’oncle qui a été faire fortune en Amérique du Sud, a légué. Dans l’enveloppe une clé d’un coffre à Buenos Aires et un mot « Bob, mon neveu favori, ne laisse pas cet héritage entre de mauvaises mains, l’avenir de l’humanité en dépend ». Et zou, c’est parti ! Buenos aires, le coffre, des agents secrets, des plans secrets, des poursuites, etc. Là encore il faut être sûr que tout le groupe suivra. Si vos PJ ont des intérêts ou des ennemis en communs, utilisez-les. Si dans l’exemple précédent Bob et ses copains n’aiment pas les Nazis – si vos joueurs sont normalement constitués, les Nazis constituent des ennemis de bon aloi – rajoutez dans la lettre de tonton « Si tu reçois ce courrier c’est que les Nazis ont eu ma peau ». Ca devrait les chauffer…
L’héritage conditionnel. Vous ne l’aurez que si vous faites un truc bien précis. Ca ressemble à la mission classique. L’intérêt par rapport à la mission classique étant qu’on peut impliquer plus d’irrationnel : un héritage énorme ou inconnu, une mission impliquant des enjeux affectifs, le commanditaire mort n’est plus là pour répondre de la mission qu’il propose.
L’héritage conditionnel II. Vous ne le gardez que si vous respectez les volontés du disparu, volontés concernant un être vivant, un acte à faire régulièrement ou toute autre condition qui peut briser le droit à l’héritage. Vous aurez droit à l’héritage – conséquent évidemment –  si vous vous occupez de mes 101 dalmatiens sur 7 générations / tant que vous assumez le poste de Gardien du Royaume / si tous les ans vous allez fleurir la tombe de Lénine / tant que vous êtes en paix avec les Huns / jusqu’à la majorité de mon irascible fils… elfe. L’héritage s’applique sous condition et dans le temps.
L’héritage partagé. Prenez un truc indissociable et donnez-le à deux personnes ou groupes qui n’ont pas vocation à aller ensemble. Léguez la cité aux milles tours au Prince-PJ et au Prince-PNJ, les deux étant des ennemis héréditaires ou plus simplement ayant des idées opposées – un religieux et un athée ou un philosophe éclairé et un militaire autoritaire.
L’héritage qui ne se refuse pas. La plupart de ceux décrits auparavant peuvent se refuser ou être abandonnés mais on peut bénéficier d’héritages dont on ne peut se défaire : souvent de nature magique, divine, surnaturelle ou dans des contextes où les lois ancestrales ne peuvent être bafouées. Le familier magique qui passe du maître à l’apprenti, l’élu divin qui doit guider le peuple – c’est un peu dévoyé mais c’est une forme d’héritage tout de même –, la malédiction ancestrale qui perdure sur plusieurs générations, le titre de noblesse qu’on ne peut refuser.

A suivre…