Le Grandeur Nature au service du jeu de rôle sur table !
Après 30 ans de JdR sur table, j’ai enfin participé à mon premier Grandeur Nature. Une expérience très positive et enthousiasmante que je regrette de ne pas avoir menée plus tôt.
Amicale promotion
Avant de me lancer dans des réflexions rôlistiques d’une profondeur insondable, je voudrai vanter les mérites de l’association Alter Ego(1) qui organise une fois l’an un GN avec dévouement, générosité, sympathie – et je pourrais encore ajouter pas mal de compliments -.
Ma compagne et moi avons été reçus plus qu’agréablement par les organisateurs et les autres joueurs. J’ai trouvé là une ambiance conviviale d’un très haut niveau, une écoute de tous les instants et un scénario original et fouillé. Alter Ego n’organise qu’un GN par an mais je comprends pourquoi : 60 joueurs avec des backgrounds de 20 à 30 pages chacun. Pour un vieux maître de jeu comme moi, je peux vous dire que c’est du boulot à préparer. Le scénario était suffisamment intelligent pour ne se désamorcer qu’au bout des 24 heures de jeu prévues. Bel exploit !
Mais il fut grandement facilité par le bon « roleplay » des joueurs qui ont su être à la fois dans l’histoire et attentifs à ce que tout le monde trouve son compte en matière de jeu.
Moi qui avais toujours été réticent à me lancer dans le GN, mes a priori ont été balayés.
Du GN à la table de jeu
Quels concepts à garder du GN afin d’améliorer nos parties de JdR autour d’une table ?
– Le fairplay. Les règles, plus limitées qu’en JdR, nécessitent de se montrer de meilleure composition. Difficile de voir la réalité d’un coup donné, de faire la distinction entre ce qui est en jeu et hors jeu ou de respecter l’intimité d’un joueur censé être hors jeu. Les organisateurs (comme un maître de jeu mais à plusieurs !) et les règles ne peuvent pas parer à tout. C’est donc le fairplay qui l’emporte. Et ça marche ! Alors face aux situations ambiguës autour d’une table, pourquoi ne pas faire pareil ?
– Le roleplay. Dans le GN que j’ai vécu, les joueurs ont toujours tenu compte du rang social et du rôle des autres. Pas besoin de jet de « Social » ou de « Prestige » voire « d’intimidation », chacun étant conscient de son rôle, le tenait et respectait les autres en fonction de la hiérarchie et de la culture dont il était le tenant. Le roleplay suffisait.
– Les règles. Ou plutôt, l’absence des règles. Evidemment pour les actions physiques, les limitations sont celles du joueur en GN. Et ça, c’est impossible à transcrire en JdR. Par contre, toutes les interactions sociales se jouent sans règle. Juste avec du roleplay. Et si les joueurs sont respectueux du rôle des autres – ce que j’expliquais auparavant – le jeu n’en est que plus vivant et plus agréable.
– L’absence de règles apporte aussi la douce angoisse de l’incertitude. Pas de petits calculs mesquins, juste le ressenti de chacun. « Ce gars a l’air balaise mais sait-il se battre ? Et même s’il ne sait pas, peut-être aura-t-il un coup chance ? Vais-je bien me risquer dans une situation dangereuse sans prendre de précaution ? » « Je joue un voleur, d’accord mais si je rentre discrètement dans la chambre des prêtres et qu’un d’eux débarque à ce moment là, ça ne sera pas comme autour d’une table quand je joue mon voleur avec 150% de discrétion. Le gars va me voir et je serai bel et bien pris la main dans le sac. » Je cite ce dernier exemple parce que je l’ai vécu. Entre la peur de ne pas avoir assez de temps pour fouiller le lieu et le risque de me prendre les pieds dans mon encombrante toge, je peux vous assurer qu’on ne réfléchit pas comme lorsqu’on joue avec des dés, des crayons et du papier. Ca pourrait être intéressant d’y repenser plutôt que de ne compter que sur les dés, non ?
Certains pourraient dire que j’enfonce là des portes ouvertes. Certes mais cette expérience a renforcé mes convictions sur ma vision du JdR.
Un concept qui mérite réflexion
Le truc qui m’a le plus titillé pendant ce week-end c’est l’idée que chacun des 60 joueurs a un ou plusieurs objectifs différents. Ce qui donne non pas une histoire mais une multitude de possibilités d’histoires. Toutes n’aboutissent pas, certaines échouent, d’autres n’arrivent jamais à leur dénouement. Parfois les joueurs s’allient, parfois ils s’opposent mais ce que j’en retiens c’est qu’on obtient une non linéarité des évènements. On est loin du JdR sur table où peu ou prou les 4-5 joueurs vont vers le même objectif et se soutiennent. Là, non, tout est possible. Autour d’une table on est un peu comme dans un film avec une histoire et des héros qui la vivent. Là on est plus dans l’esprit des séries télé – ou le roman – comme « Le trône de fer » où plusieurs histoires s’entrecroisent.
Si la manière de jouer nécessite une solidarité pour que le jeu se déroule bien, les objectifs sont souvent égoïstes. Chacun mène sa quête en cherchant des alliés qui ont des intérêts communs… Mais ça n’est pas gagné d’avance ! Et c’est plus proche de la réalité. Je trouve ce concept passionnant mais malheureusement très difficile à transcrire en jeu sur table. Un peu comme s’il y avait 60 parties jouées en même temps ou 60 PNJ animés avec détails. J’avoue ne pas avoir de solution pour adapter cela sur table mais l’idée mérite réflexion.
Observer, utiliser
Une dernière chose que peut apporter le GN, tant pour le MJ que pour les joueurs, c’est l’observation. L’observation des évènements, des circonstances, de l’attitude des autres.
Un garde, par exemple, en jeu, a la fâcheuse tendance à être hyper vigilant, toujours là au moment opportun alors que dans la réalité, comme le montre le GN, il lui arrive d’être inattentif, d’aller faire ses besoins, de vous faire –bêtement– confiance, de piquer du nez, bref de n’être pas si efficace que ça.
La nuit et les mirages qu’elle provoque, la méfiance face à l’inconnu, les mouvements de foule, les rumeurs, bref, il y a plein de chose à observer et à utiliser une fois autour de la table.
Un dernier exemple : en discutant dans une taverne bruyante avec un personnage important, celui-ci vous lâche une info très importante, malheureusement, à cause du bruit, vous ne comprenez pas ce qu’il dit. Comme depuis le début de la conversation vous jouez au type qui est au parfum de tout ce qu’il dit, que vous essayez de passer pour le vrai pro décontracté, vous ne pouvez pas vous permettre de lui faire répéter sans éveiller les soupçons. C’est ballot, vous êtes obligé de laisser filer une info de premier ordre juste pour rester crédible et parce que quelques pochtrons ont beuglé à ce moment précis. C’est du vécu et je me dis que je le placerai peut-être lors d’une partie, histoire de changer de la routine, de surprendre un peu.
Toutes ces observations vont nourrir notre façon de jouer.
J’ai fait le tour de ce que m’a inspiré ma première expérience de GN. Il y a sans doute encore beaucoup à dire. Je compte bien affiner mon jugement par d’autres GN ! N’hésitez pas, lancez vous si ce n’est déjà fait. Quant à ceux qui ne pratiquent que le GN et ne connaissent pas le jeu sur table, essayez le aussi !
(1) Association Alter Ego : http://gnalterego.free.fr/
Coucou Thy, et merci pour la promo :o)
Sinon, comme toujours, j’aime bien tes analyses et je suis vachement globalement d’accord avec ce que tu dis. Et la question que tu poses (nourrir le JdR par le GN) est intéressante, d’autant que tu fais bien la part des choses entre ce qui est ré-utilisable et ce qui est propre au GN (on sait se battre ou pas). JdR et GN sont différents et permettent des choses différentes.
Bref, beau boulot.
Merci, mon ego aime toujours bien ce genre de message ! Je me demande si, pour avoir un avis tout en « fraîcheur », il ne faudrait pas prendre conseil auprès de gens qui ont une expérience de GN mais aucune en JdR. Voire de gens qui ne connaissent ni l’un ni l’autre ? Car, en fait, une fois qu’on pratique, on n’a plus assez de recul. Pfiouu ! Je m’en pose des questions… Sans réponse.