Introduction à un univers de jeu : les Fils des Éléments
J’ai déjà parlé de mon grand projet : faire un jeu de rôle. Une obsession de rôliste…
Mais un lecteur (si, il y en a !) m’a fait la – pertinente – remarque que je n’avais pas été très explicite sur la teneur de ma réalisation. D’où l’extrait de mes travaux qui suit. Pour faire court, disons qu’il s’agit plutôt de créer un univers de jeu que chacun est libre d’utiliser comme il l’entend. Au départ je ne voulais pas mettre de règles pour laisser libre à chacun de l’adapter à ses règles préférées mais je me suis rendu compte qu’il me fallait tout de même donner quelques orientations. Elles n’empêchent pas les MJ/joueurs de faire un cocktail entre mes écrits et leur conception du jeu. Jeu traditionnel ou narratif, héroïque ou réaliste, simulationniste ou  même sans règle, chacun en fera ce qui lui plaît !
L’univers est un monde ou la magie est omniprésente, intégrée à la vie des sociétés, participant aux développement de la technologie,oscillant entre le médiéval et un début de révolution industrielle. De la steam-fantasy si je puis dire. Les forces élémentaires qui constituent le Monde -avec un grand M – ont poussé l’homme à maîtriser la magie pour survivre. D’ailleurs, la magie est partout, même les animaux en sont constitués ou la pratiquent.
Trêve de bavardage, voici une première présentation, très générale :
Cosmogonie et religions :
Pour résumer la cosmogonie du monde des Éléments, il suffit de dire qu’il n’y en a pas. Le Monde est naturel, immuable et infini dans le temps, issu de l’équilibre entre les quatre Éléments et le Néant. Personne ne remet en cause ce fait. Cela n’empêche pas de croire en l’existence de Dieux.
Les lois naturelles :
L’univers matériel où vivent les Hommes s’appelle le Monde . C’est un cercle ou plutôt un quart de sphère dont la surface vivable correspond à la surface de notre Terre. Au Sud se trouve le Feu, au Nord l’Air, à l’Ouest l’Eau et à l’Est la Terre. Au centre du Monde vivant, chaque élément s’imbrique partiellement l’un dans l’autre sauf le Néant qui englobe les Quatre.
              Nord
             ( Air )
 Ouest (Eau)   +   Est (Terre)
             Sud
            (Feu)
Les cycles :
Secondes, minutes, heures et jours sont les même que sur notre Terre, pour des raisons de facilité de jeu.
Un certain nombre de mécanismes ressemblent à ceux de notre Terre mais ont des justifications différentes.
– Indéfiniment, l’énergie magique se régénère en des cycles temporels commençant par la plus faible et la plus courte des variations : l’Heure .
– De son lever à son coucher, le soleil part de l’Est, disparaît à l’Ouest tout en restant vers le Sud pendant 6 à 18 heures – durée variable selon que l’on soit plus au Nord ou au Sud et suivant la saison. Le soleil est ensuite invisible laissant la place à la nuit pour former un cycle de 24 heures – un Jour – où se régénère une partie de l’énergie magique interne à chaque constituant du Monde. Le soleil, reflet de l’élément feu, éclaire le Monde. Soumis au cycle des énergies élémentaires la durée de sa présence au même titre que son énergie varie dans le temps donnant naissance aux saisons.
– 10 jours représentent un Petit cycle . Ce cycle correspond au temps de régénération d’une partie de l’énergie, plus puissante que l’énergie journalière.
– La lune est le reflet du Monde dans le néant. Une lunaison dure 50 jours et correspond à un Grand Cycle . La nuit de la pleine lune – 50ème nuit – est celle où l’énergie des éléments est maximale. La magie élémentaire est plus puissante durant cette nuit. Inversement la nuit sans lune – 25ème d’un grand Cycle – est dépourvue d’énergie magique. Seul l’énergie stockée dans des cristaux élémentaires peut être utilisée.
– Deux Grands Cycles correspondent à une saison. L’année est répartie en quatre saison – Printemps, été, automne, hiver.
– Les étoiles sont les reflets d’autres mondes existants dans le Néant. Elles ne sont pas liées aux cycles naturels mais leur existence est sujette à maintes interprétations de la part des êtres pensants du Monde. Issues des forces élémentaires, elle brillent avec une énergie variable qui les rend plus ou moins visibles suivant les périodes de l’année donnant lieu à une cartographie permettant l’orientation nocturne. Liées au néant dans l’imaginaire de certains, elles donnent lieu à des théories portant sur la divination et les Dieux chez de nombreux peuples.
Les variations de l’énergie élémentaire, donc de la puissance des phénomènes magiques. Libre au MJ de choisir s’il veut un monde avec beaucoup ou peu de magie.
En résumé les points d’énergie magique ont 4 formes et se régénèrent de la façon suivante :
H = se récupère en 1 heure
J = se récupère en, 1 jour
PC = Petit cycle, se récupère en 10 jour
GC = Grand Cycle, se récupère en 50 jours
L’année est divisée en 4 saisons de 100 jours soit 2 grands cycles par saison. Une année compte donc 400 jours. Pas de notion de semaine mais de (petit) cycle.
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Quatre éléments, une infinité de dieux :
Aucun humain ne remet en cause les lois naturelles engendrées par les quatre éléments. La notion de cycles est primordiale car elle implique un renouvellement permanent du Monde. Étant donné que les êtres vivants sont liés aux Éléments – la magie en est la preuve quotidienne – il est admis par la majorité que les êtres vivants retournent dans le cycle des Éléments après leur mort ou intègrent le monde des Esprit où ils veillent sur les vivants.
La plupart des religions sont donc influencées soit par la réincarnation soit par la notion d’esprits et bien sûr les Éléments eux même.
Trois catégories de religions existent dans le Monde : les religions élémentaires, les cultes des esprits, les réincarnants – nom donné à ceux qui croient en la réincarnation. Cette classification n’est pas rigide. Suivant les cultures et les époques, ces concepts s’entremêlent. A l’instar des Éléments, aucune religion ne prend jamais l’ascendant sur une autre dans le cours de l’Histoire, comme si le concept d’équilibre finissait toujours par l’emporter.
Voici un tour d’horizon de quelques religions fréquemment rencontrées. Ce ne sont que de grandes lignes. Noms et rites ne sont pas explicitement nommés car il changent suivant les lieux, langues et époques.
– Les religions élémentaires.
Le grand Tout. Vénérer les Quatre est très fréquent. D’autant plus que la magie des éléments est là pour concrétiser matériellement les effets de la religion. Les prêtres ont souvent des pouvoirs spécifiques, et jalousement gardés, à leur caste.
La balance éternelle. L’équilibre entre les Éléments et le Néant doit être maintenu. Apôtres de l’égalité et de la neutralité en tous points, les prêtres de la balance éternelle cherchent la pondération et la négociation dans toutes les circonstances.
Les blancs champions. Le blanc, le pur, le bon ce sont les Éléments, le noir, le chaos, la destruction, le mal c’est le Néant contre lequel il faut lutter. On trouve de tout dans les blancs champions : des cultes pacifiques prêchant le bien autour d’eux aux chevaliers extrémistes cherchant à anéantir toute trace de magie nihiliste – nom donné à la magie manipulant les forces du néant .
– Les cultes des esprits.
Le druidisme. A mi-chemin entre les religions élémentaires et le culte des esprits, le druidisme croit dans les esprits de la nature. Parfois simples servants de la nature, parfois dieux, ses esprits liés aux éléments sont vénérés sous d’innombrables formes.
Les cultes des Héros. Sans doute la forme de religion la plus pratiquée dans le monde car elle implique une partie des croyances élémentaires et des notions touchant à la foi des réincarnants. Un dieu est une entité qui a laissé sa marque dans le Monde. Un Homme a fait des exploits suivant les valeurs et aux yeux de la société dans laquelle il vit. Il est déifié. Il est prié pour apporter son aide, pour inspirer des actions, pour être remercié ou pour éviter son courroux car son esprit veille sur le Monde. Des statues, temples, écrits, chansons, rites lui sont dédiés. C’est ainsi que même dans de petits villages, trône une statue de bronze en mémoire de celui qui a agit pour la communauté. Parfois simple pécheur qui a sauvé un équipage du naufrage, parfois conquérant sanglant qui a fondé un empire. Le devoir de mémoire est primordial dans ces cultes ; c’est le souvenir qui attire l’attention du dieu. La généalogie compte aussi beaucoup. Descendre d’un dieu, c’est porter en soi une partie de ses vertus, c’est être redevable à la communauté d’obligations et de privilèges inhérents à l’héroïque ancêtre. Des dynasties royales s’appuient sur ce type de religion.
L’ immatérialisme. Le Monde n’existe que dans l’esprit des Hommes. Ce sont eux qui façonnent le Monde. Ces religions ont pour but de donner à leurs adeptes une emprise sur le Monde. En prenant conscience de la supériorité de leur esprit, les immatériels veulent accéder à un degré d’éveil qui leur permettra d’atteindre leur forme spirituelle désincarnée, de manipuler le Monde matériel ou les deux à la fois. Cultes méditatifs, tiraillés entre des rites d’abandon du corps ou des biens et des exercices de dépassements physiques, ils sont souvent en conflit avec les autres religions car ils rejettent la notion d’un Monde éternel et considèrent qu’il existerait des esprits créateurs supérieurs, idées considérées présomptueuses et absurdes pour de nombreux théologiens.
– Les réincarnants.
Les vertueux. « Une bonne vie se mérite » pourrait être le credo de certains cultes vertueux. Tous pensent que les actions d’une vie influencent la suivante. Certains croient que c’est en faisant le bien, d’autres en évitant de tuer des être vivants, d’autres encore en pratiquant intensivement la magie, ils arriveront à une vie meilleure par la suite. Rites et vénérations ne s’adressent pas à des Dieux mais aux valeurs qui mènent à la meilleure réincarnation possible.
L’éternel recommencement. Parfois proches ou confondus avec les immatériels, les cultistes ayant cette foi ne pratiquent pas de rites pour se concilier des Dieux ou suivre des préceptes moraux, ils n’en ont pas besoin puisque pour eux tout n’est que recommencement. En revanche ils essaient d’atteindre un état de conscience supérieur pour prédire l’avenir ou modifier leur futur. D’autres recherchent dans le passé des réponses à leur avenir. Flirtant à l’occasion avec la magie nihiliste, ils subissent les poursuites des blancs champions extrémistes.
La quarte. L’Homme naît du néant, vit quatre vies, une par Élément et retourne au néant. Ceux qui croient à la quarte vénèrent soit leur propre élément pour qu’il leur permette de vivre le plus longtemps possible soit prie le Néant assimilé au Destin pour qu’il ne les rappelle pas trop vite à lui. Fatalistes et peu structurées les religions de la quarte ne disparaissent jamais totalement et réapparaissent dans les périodes de catastrophes.
En terme de jeu, les différentes religions génèrent-elles des pouvoirs réels ou ne sont-ce que des théories religieuses habillées par la magie naturelle du Monde ?
En fait c’est la Foi qui anime les pouvoirs des religions en passant par la magie et l’idée que les esprits sont liés à ce tout. La Foi pourrait être comparée à un « agglomérateur » d’énergie magique.
Ainsi dans les religions élémentaires, la Foi concentre l’énergie élémentaire des croyants permettant aux prêtres de faire naître des pouvoirs élémentaires spécifiques à la religion.Â
Dans les cultes des esprits, les esprits demeurent, et ont des pouvoirs, car des Hommes croient en eux. Leur forme immatérielle est maintenue par la magie des croyant. Autre exemple, les adeptes de l’immatérialisme accèdent au dépassement de leurs limites physiques par leur discipline en puisant dans les ressources de l’énergie magique de la Foi de tous les croyants.
Chez les réincarnants les adeptes de l’éternel recommencement, accèdent aux connaissances du passé et de l’avenir, toujours en utilisant « l’agglomération » de magie engendrée par la Foi mais en utilisant le canal du Néant. Le Néant étant intemporel et immatériel, il peut servir de lien entre passé, présent et futur tant en matière de divination qu’en matière de réincarnation.
En résumé, il suffit à l’Homme de faire preuve de Foi pour que celle-ci prenne une forme qui réponde – avec plus ou moins de bonheur – à ses attentes ! C’est ainsi que vivent et meurent les religions dans le Monde.
Le Monde, une calotte bombée, entourée par les quatre éléments.
Non, mais…
Non, mais…
Quand on utilise le hasard des dés dans une partie de jeu de rôle, la malchance des joueurs entraîne parfois des situations frustrantes et inintéressantes. Une solution constructive, empruntée au jeu « Wastburg »* est ce que j’appelle le « Non, mais… ».
A l’ancienne : des règles et des dés
Ma réflexion vient d’une partie du « Trône de Fer »** ou trois de mes joueurs participaient à un tournoi.
J’avais prévu les adversaires et les différentes phases de combat par lesquels ils allaient passer. Statistiquement deux au moins devaient aller assez loin.
Habituellement nous utilisons parcimonieusement les règles. Par soucis de commodité, pour l’occasion, j’avais fait une règle simplifiée pour ne pas noyer la partie sous trop de jets de dés. Pour le personnage moins expérimenté, j’avais décidé d’utiliser la règle complète vu qu’il était faible et que seul de bonnes décisions additionnées d’un coup de chance lui permettraient de remporter une joute.
Loi de Murphy
Nous voilà tous prêt pour un moment épique, tout en favorisant la narration sur les jets de dés, comme nous aimons le faire. Et là , patatras ! Les bons jouteurs perdent suite à de mauvais jets et le PJ faiblard fait carrément un raté critique, blessant le cheval adverse et l’excluant du tournoi.
Au fur et à mesure de la partie, face à la malchance incessante de mes joueurs, j’ai dû faire face à un dilemme auquel je n’ai pas trouvé de réponse satisfaisante. Et, conséquemment, que j’ai mal réglé.
Le dilemme
Les échecs répétés de mes joueurs mettant à mal l’ambiance épique et l’intérêt du tournoi je me trouvais face à deux choix – du moins, ai-je cru qu’il n’y avait que deux choix – :
Mauvaise solution
Tricher aurait servi à quoi ? Si les joueurs s’en étaient rendus compte, ils auraient été désabusés. Qui plus est, cela n’aurait été qu’un compromis pour faire durer le tournoi. J’ai donc choisi d’appliquer les résultats et me focaliser sur les autres événements. Mais au bout du compte, j’ai eu le désagréable sentiment d’avoir mal géré la partie. Mon intransigeance et l’utilisation de la règle dans toute sa rigidité étaient la cause de mon échec. Il ne me restait plus qu’à trouver une solution me satisfaisant pour d’autres parties de ce type.
Une alternative constructive
Après réflexion, je me suis souvenu d’un point de règle du jeu Wastburg : lors d’un échec il est possible d’avoir un résultat du type « Non, mais… ». Une façon élégante d’annoncer un échec en laissant la porte ouverte à un rattrapage ou à d’autres possibilités.
Je me suis également souvenu d’une règle de base d’improvisation théâtrale, celle de l’acceptation. Dire non à une proposition met fin à l‘histoire. L’acceptation donne plutôt une réponse du type « Oui, mais… » Néanmoins l’esprit est le même : pour permettre à l’histoire de continuer, il faut laisser une porte de sortie au joueur.
Mise en pratique
Dans le cas qui me préoccupe, j’aurais dû, lors des échecs, augmenter la tension tout en laissant la possibilité aux joueurs de se rattraper : « Tu es touché, gravement choqué, mais tu récupères alors que ton adversaire se pavane sous les applaudissements de la foule. Ces quelques instants de répit sont salvateur pour toi. De plus l’adversaire, mis en confiance, baisse un peu sa garde. »
Autre possibilité : « ton bouclier explose sous la violence du coup. Tu n’as rien mais tu comprends que tu as affaire à un adversaire coriace. » En résumé, mauvais dé, mais…
Dans tous les cas, seul compte le résultat du dé du joueur, celui qu’il voit, celui qu’il a jeté. C’est ce dé qui déterminera la réussite ou l’échec mais un échec avec la possibilité de se racheter. Un échec qui ne doit servir au MJ qu’à accentuer le côté dramatique et épique… Pas à faire passer les PJ pour des guignols incapables.
Derrière son paravent, le MJ peut toujours jeter des dés pour avoir un ordre d’idée de l’action de ses PNJ – du bruit derrière le paravent comme disait Gary Gigax – mais la partie n’en sera que meilleure s’il privilégie l’histoire au hasard.
Vous allez me dire « A quoi servent les règles dans ce cas ? » Selon moi, elles ne servent qu’à donner un cadre, une échelle, à éviter les débordements. Si on fait le parallèle avec un bâtiment, la règle représente les murs et le toit, mais l’aménagement intérieur est de la responsabilité de ses occupants, le MJ et les joueurs en l’occurrence.
*Wastburg. Jeu de rôle adapté du roman de Cédric Ferrand. Edition les XII Singes
http://www.les12singes.com/wastburg/12-wastburg.html
**En utilisant les règles largement modifiées de Le Jeu de Rôle du Trône de Fer (éditions Edge Entertainment)