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Le grandeur nature au service du jeu de rôle sur table ! One more time !

Le grandeur nature au service du jeu de rôle sur table ! One more time !

Comme l’an dernier, j’ai participé à un GN organisé par mes amis de l’association Alter Ego. Une fois de plus, ce fut un immense plaisir et une expérience qui m’a  amené à réfléchir à la pratique du jeu de rôle sur table.

Je ne reviendrai pas sur les qualités d’Alter Ego et de ses organisateurs, je me suis déjà épanché sur le sujet dans l’article de l’an passé – voir l’article Le Grandeur Nature au service du jeu de rôle sur table ! – et, à force, leur modestie risquerait d’en prendre un coup.

Tout d’abord, de petites précisions : n’ayant pas d’autre expérience que celle proposée par Alter Ego, je ne saurais dire si les autres organisations de GN exercent leur pratique à l’identique et conséquemment, mes élucubrations rôlistiques seraient peut-être différentes après avoir joué avec d’autres. Il en est de même pour le jeu sur table. Nous avons tous notre vision du JdR et j’imagine que les réflexions qui vont suivre n’intéresseront pas tous les rôlistes, voire en feront grimper certains aux rideaux. Ma pratique est de moins en moins simulationniste, m’orientant plutôt vers un jeu plus fluide et plus narratif.

  • Règles minimalistes

Le GN a des règles souvent très simples mais suffisantes pour ne pas ralentir le jeu, et discrètes au point qu’elles deviennent invisibles aux mains de joueurs expérimentés – et de bonne volonté ! –.

Même postulat autour d’une table. Une règle simple est rapidement apprise, elle évite les discussions oiseuses du type « Pour tirer à l’arc, je me mets à genou pour avoir le bonus de +3.5% mais quel est la force du vent parce que j’ai un arc customisé qui ne m’apporte un bonus que par calme plat ? » S’en suit une réponse tout aussi oiseuse de la part du MJ, plus une éventuelle consultation des règles dans un manuel de plusieurs centaines de pages. Le détail c’est bien mais il ne doit pas prendre le pas sur le plaisir de jouer… Un rôle, parce que nous sommes bien là pour cela. Si l’on veut des règles pointues, autant faire des jeux de plateau ou des wargames. De toute façon, à un moment ou un autre, joueurs et MJ seront confrontés à un problème qui n’est pas dans les règles et qu’il faudra interpréter en fonction du bon sens – où de l’arbitraire du MJ, ça arrive des fois…–.

Pour que des règles simples restent discrètes et ne tombent pas dans des interprétations absurdes, il faut des joueurs qui veulent bien se prêter à cet exercice, je veux dire par là des joueurs qui privilégient le bon sens, le goût du jeu, qui savent faire abstraction des lacunes de la règle, qui évitent de parler chiffres et jouent leur rôle à fond. Pareil pour le MJ.

Pour illustrer mon propos, je me permets une anecdote tirée de mon dernier GN :

Je jouais un médecin, d’autres joueurs plus expérimentés que moi aussi – Petit clin d’œil aux deux médecins Faiseurs, qui m’ont époustouflé par leur gameplay de qualité –. Nous voilà confrontés à des blessés. L’un d’eux hurlait, paniqué, qu’il craignait d’être empoisonné, un autre, qu’il allait mourir se vidant de son sang, bref, il nous fallait agir. Mon premier réflexe, en joueur habitué à une table de jeu, a été de chercher un organisateur – sur table, on dirait « demander au MJ » – pour le questionner sur la nature des blessures, savoir s’ils étaient empoisonnés ou non, etc. Les deux autres médecins ne se sont pas posés ce genre de question hors jeu, ils ont tenu leur rôle de médecin. Ils ont simulé des soins, prenant du temps, interprétant les informations données par les blessés et leur donnant les réponses qu’ils estimaient correctes. Après tout, qui leur aurait reproché de jouer avec talent ? Si cela avait eu une importance primordiale, un organisateur aurait été là et aurait corrigé leurs interprétations ?

Je crois qu’on peut faire de même autour d’une table. Le MJ peut se contenter d’intervenir uniquement si l’action proposée par les joueurs lui semble irréalisable. Quel intérêt pour l’histoire d’ergoter pour +2% par-ci ou -3% par là ? Si le joueur est raisonnable, connaît bien son personnage et veut participer à l’intrigue, il ira sans doute lui-même se mettre des difficultés : « J’arrive à te maintenir en vie pour l’instant mais il faut que l’on trouve un hôpital d’ici 2 heures. En prenant le tout-terrain de Bob et en passant par la zone contaminée, c’est jouable. » C’est quand même plus sympa qu’un « Jet raté, il ne récupère pas ses PV. » Non ?!

La barrière entre le jeu de rôle grandeur nature et le jeu de rôle sur table existe mais on peut passer de l'un à l'autre sans trop d'effort.
La barrière entre le jeu de rôle grandeur nature et le jeu de rôle sur table existe mais on peut passer de l’un à l’autre sans trop d’effort.
  • Investissement mutuel

L’exemple du chapitre précédent illustre aussi l’intérêt du rôle, pas la feuille de personnage, non, le rôle. Qui suis-je. Qu’est-ce qui me motive. Comment je me comporte. Pas besoin d’écrire 20 pages de background mais avoir suffisamment d’éléments pour apprécier le personnage, avoir envie de se l’approprier et de s’investir dans son histoire. Aller plus loin que simplement subir ce qui se passe. Pour cela il faut un investissement dans le personnage de la part du joueur mais aussi du MJ.

En GN, les organisateurs connaissent autant, voire mieux le personnage que le joueur – surtout les secrets que le joueur ignore évidemment –. Pareil en JdR papier. Un MJ qui peut ressortir une histoire tordue du passé ou qui met en valeur un trait de caractère d’un PJ, cela fait toujours plaisir au joueur mais cela nourrit l’histoire, la rend plus crédible, fournit matière à rebondissement.

En résumé, le MJ ne doit pas se focaliser sur son scénario ou sur les règles mais aussi sur les personnages. Et si les joueurs s’impliquent dans leurs personnages, on peut générer de passionnantes histoires.

Devinette : où cette scène a t-elle été photographiée ? A- Au cirque Pinder B- A un festival rock C- Au GN d'Alter Ego "Gazoil maudit" en 2015
Devinette : où cette scène a t-elle été photographiée ?
A- Au cirque Pinder
B- A un festival rock
C- Au GN d’Alter Ego « Gazoil maudit » en 2015
  • Effet entonnoir

C’est la remarque d’un organisateur du GN qui m’a amené à écrire ce chapitre : « Vu que tu ne sais pas ce que feront tes joueurs, tu multiplies les options pour atteindre un objectif. Ca n’est pas bon de ne laisser qu’une possibilité, tu risques d’avoir un blocage. Soit parce que les joueurs n’y pensent pas ou ne veulent pas le faire, soit parce que le PNJ – ou PJ – important se fait tuer ». C’est ce que j’appelle l’effet entonnoir.

Mettez un caillou dans l’entonnoir et plus rien ne coule.

C’est un effet pervers, en tant que MJ, d’imaginer que les joueurs vont faire une action bien précise, celle qui fera avancer le scénario. Le point de passage OBLIGATOIRE. C’est facile, linéaire et… très dangereux ! L’écriture détaillée d’un scénario s’avèrant quasiment impossible, il vaut donc mieux lister les pistes possibles. Se contenter de les décrire sommairement mais s’assurer qu’il y en ait plusieurs pour éviter l’effet entonnoir. En plus, il y a de grandes chances que vos joueurs fassent un truc pas prévu, donc rien ne sert de trop détailler mais mieux vaut préparer de multiples bases pour improviser.

En plus de m’avoir bien amusé, ce GN m’aura apporté quelques idées qui, je l’espère, pourront vous aider. Reste à tenter de mettre tout cela en pratique. Vos retours d’expériences sont toujours les bienvenus !

Toujours se demander pourquoi ?

Toujours se demander pourquoi ?

J’ai hésité à appeler cet article « Le cercle vertueux de la création ». Dans les deux cas, je vois votre sourcil interrogateur qui se soulève. Je vous explique ce qui me passe par la tête :

Que l’on soit maître de jeu ou joueur, on crée. Un monde, une ville, un personnage ou une histoire. Il y a toujours un moment où l’on décrète un truc « Les barbares décident d’attaquer les caravanes marchandes », « Mon perso est paranoïaque », « Il n’y a pas de murailles autour de la ville », « Le dieu Untel est le plus vénéré ». Que ce soit tranquillement en préparant un scénario ou au débotté en cours de partie, on lâche tous des affirmations comme ça. D’où mon titre.

C’est à ce moment là qu’on doit se demander pourquoi ????

J’ai mis plusieurs points d’interrogation parce qu’on peut se demander pourquoi à chacune de ces affirmations et surtout on peut poser la question à plusieurs niveaux.

Prenons l’exemple des barbares qui attaquent les caravanes marchandes :

  • Pourquoi y a t-il des barbares dans la région ?
  • Pourquoi d’un seul coup ont-ils décidé d’attaquer alors qu’avant ils étaient paisibles ?
  • Pourquoi les marchands tiennent-ils absolument à passer sur cette route ?

Ca, c’est la première couche de « pourquoi », après on peut continuer à aller plus en profondeur, souvent en remontant le temps ou en construisant l’histoire à rebours.

En admettant qu’on ait répondu à la première question par « Il y a des barbares dans la région parce qu’ils sont descendus des montagnes, on continue en essayant de savoir pourquoi ils sont descendus des montagnes. De fil en aiguille on pourrait arriver à cela pour nos barbares :

  1. Les barbares attaquent les caravanes parce qu’ils sont descendus des montagnes.
  2. Il règne une telle famine dans les montagnes, que les barbares, pourtant endurants, ont dû rompre leurs engagements et s’en prendre aux peuples civilisés de la plaine.
  3. La famine est due au décès en masse du gibier, décimé par une terrible maladie. Pour ne rien arranger les cultures sont également atteintes par divers parasites.
  4. Bob le shaman a empoisonné gibier et plantations grâce à ses talents d’alchimiste pour pousser les barbares hors des montagnes.
  5. Bob est un gros frustré, il aurait bien voulu être nommé chef de guerre, mais c’est son frère, plus baraqué que lui, qui a été choisi. En poussant les barbares vers les plaines, il compte bien provoquer la guerre entre civilisés et barbares. Son frangin passera pour un raté quand les civilisés lui mettront une rouste. Après ça tout le monde se tournera vers lui qui aura pris soin de prêcher la paix pendant tout ce temps.

Je force le trait, il y a moyen de faire plus fin mais c’est un exemple. Là, on a remonté l’histoire à rebours. Dans mon intro je parlais de cercle vertueux. C’est à partir de ce moment là qu’on entame la deuxième moitié du cercle, le chemin retour.

On n’en est plus aux « pourquoi » mais aux « qu’est-ce que cela va provoquer d’autre ? ». Et on l’applique à tous les points importants énumérés.

5. Pour mettre son plan en place Bob devra se montrer discret en conciliateur et se comportera comme tel si les civilisés envoient des gens régler ce problème – les PJ ? Dans le même temps il cherchera à se débarrasser d’eux.

4. Il faut du matériel à Bob pour empoisonner la montagne, soit il l’achète à des civilisés en descendant en ville déguisé, soit il a des hommes de main pour l’aider dans ce sale boulot. Et si c’était les PJ qu’il manipulait, ça pourrait être intéressant qu’ils découvrent qu’ils ont participé contre leur gré à la famine et à la guerre entre civilisés et barbares.

3.Bob, prévoyant, s’est constitué des réserves pour ne pas être touché par la famine. Il a donc une cache où il entrepose aussi bien son matériel pour faire ses poisons que ses réserves de nourriture.

2 et 1. Le MJ va devoir imaginer les accords entre civilisés et barbares. Comment va se résoudre la guerre qui se prépare ? Va t-on envoyer des émissaires ? Des éclaireurs ? A partir de là je réponds par des questions parce que les possibilités sont très nombreuses pour le MJ mais on peut dire que la boucle est presque bouclée et qu’on peut repartir sur une nouvelle série de question/réponse.

Ne devrait-on pas se demander pourquoi les mages puissants se doivent d'avoir une longue barbe ridicule ?
Ne devrait-on pas se demander pourquoi les mages puissants se doivent d’avoir une longue barbe ridicule ?

Je voulais par cet exemple illustrer la théorie que j’appelle « Le cercle vertueux de la création » qui me semble être une bonne méthode de conception dans le cadre du JdR. Chaque réponse ajoute de la profondeur, et quand on a fait le tour des réponses, on revient au point de départ.  Cette façon de faire nécessite un temps de réflexion mais qui peut être pris tranquillement hors jeu. Cela n’empêche ni le MJ en cours de partie d’improviser une situation – il l’expliquera plus tard – ni le joueur de créer son personnage à la va-vite. Le tout est de faire ce travail après coup pour donner de la profondeur au jeu. Je n’ai rien contre l’improvisation mais tout baser sur celle-ci entraine le risque que si l’on gratte un peu la surface, on découvre un grand vide derrière ou que l’on se rende compte de l’illogisme de ce que l’on fait.

Cette procédure de réflexion de temps en temps permet d’éviter des déconvenues autour de la table de jeu.

Aide de jeu : pourquoi est-il si méchant ?

Pourquoi est-il si méchant ?

Le jeu de rôles est souvent pris dans l’étau manichéen des représentations traditionnelles : d’un côté il y a nous, les gentils, forcément, de l’autre l’ennemi, le méchant, forcément aussi. Si nous sommes les gentils, nous voilà obligés d’être parés d’un minimum de vertus morales. Et inversement le méchant, se doit d’être vraiment méchant. Et si on se posait la question, en prenant un peu de recul, avec un minimum de logique : pourquoi est-il si méchant ?

Les adversaires des PJ manquent parfois de crédibilité. Mais le MJ a de bonnes excuses, depuis toujours l’adversaire est montré comme celui qui n’a pas de morale, pas d’honneur, toujours prêt à une fourberie pour réussir, qui fait le mal pour le mal, ouuuuh ! Le vilain, on le déteste. En littérature, c’est bien souvent pareil, l’écrivain est du côté du personnage principal et naturellement le pare de vertus ou au moins justifie son côté veule, lui donne des excuses. Inversement il faut rendre l’adversaire antipathique, en opposition au héros. En conséquence on a de bonnes chances de le caricaturer. Surtout si on ne lui laisse pas la parole.

Le cinéma et la télévision ont accentué ces traits. Moins de place pour la psychologie des personnages, facilités scénaristiques, besoin de faire passer un message normalisé sur les valeurs de la société, etc.

Avec tous ces modèles, notre MJ, qui doit pondre un adversaire aux PJ en deux heures pour la partie de samedi soir ne va sans doute pas s’embêter : il va faire un méchant, ou mettre des monstres, méchants eux aussi. Et roule, ça passera.

Effectivement ça peut passer mais ne serait-il pas intéressant de faire un adversaire moins caricatural ?

Bref, quelques suggestions pour un  méchant crédible :

  • Qu’est ce qui a forgé son caractère ? Sans tomber dans la psychanalyse freudienne, on doit pouvoir trouver quelques traumatismes dans son passé qui justifient certaines de ses positions extrémistes. Exemple : Le prince Bob était tabassé et humilié par son père le roi. Il l’a toujours détesté mais admiré car son père était grand, fort, sans faiblesse, roi en plus. arrivé à l’âge adulte Bob a étranglé, tout en pleurant, ce père détesté/adulé pour prendre sa place. Depuis il est roi et est encore plus inflexible que son père ne l’était. Il est intimement persuadé que la force et la violence sont les seuls moyens pour prouver son autorité.
Méchant 1
Bob-le-vilain
Battu par son père. Qui l’eut cru ?

 

  • Quel est son sens des valeurs ?

-Une première possibilité : il est intéressant que le monde dans lequel on joue soit immoral par rapport à notre société réelle. Ainsi dans un monde immoral, le méchant n’est finalement qu’un gars normal. Si vos joueurs ont tendance à prendre comme référence leurs valeurs, c’est d’autant mieux car finalement ce sont eux les « anormaux » du monde dans lequel ils jouent et s’opposent à un méchant qui finalement, n’est qu’un gars standard.

Exemple : dans le Japon médiéval, le faible n’est pas respecté. Un seigneur perdant une bataille se doit de mourir et toute sa famille avec. Ainsi il n’est pas honteux d’exécuter femme et enfants. Hérésie aux yeux de nos valeurs morales actuelles.

-Deuxième possibilité : votre méchant a des convictions et des valeurs qu’il estime nécessaire pour que la société fonctionne. Et il les met en application. Pas besoin d’aller très loin, il suffit de regarder notre société et de voir la variété des opinions politiques pour comprendre ce que je veux dire. La plupart des gens se disent « Ma vision de la morale est la bonne, je l’applique pour que la société ressemble à l’idée que je m’en fais ». Personne ne se dit « Mes idées sont ridicules, rien à foutre, je suis un méchant ». Je ne vais pas me risquer avec un exemple tiré du monde réel, je ne suis pas là pour faire de la politique mais prenons Star Wars, c’est neutre, c’est de la SF : tous les stormtroopers ne sont pas des pourris, ce sont juste des gars qui se disent qu’une société autoritaire et sécuritaire serait bien pour leurs familles, que les rebelles ne sont que des anarchistes fouteurs de merde et que l’Empereur va remettre de l’ordre dans tout ça. Ce sont leurs valeurs, ils ne font que défendre leur vision de l’univers.

 Aparté : évidemment c’est de la science fiction un peu grotesque, personne dans la réalité n’aurait une vision du monde aussi manichéenne.

Méchant 2
Jean-Paul, stormtrooper
Marié, père de 3 enfants
Médaillé de l’Empire suite à l’exécution de son centième rebelle.
Une carrière sans tache.

 

  • N’y a t-il pas un quiproquo entre les PJ et le méchant ? C’est le ressort de beaucoup d’histoires de haines familiales ou de vendettas interminables. A un moment deux groupes, ou deux personnes,  ne se comprennent pas et ça dérape. Au bout d’un moment on ne sait plus qui a commencé. L’important pour la mise en place d’une situation de quiproquo qui dégénère, c’est la mise en place de deux conditions : la non communication et une interprétation malsaine des pensées de l’autre, deux choses qui semblent manquer absolument de bon sens mais qui constituent de grands classiques de l’âme humaine.

Exemple : le roi voudrait bien une petite cabane de chasse dans la forêt pas loin de la frontière avec les elfes. Il n’a rien contre les elfes mais il aime bien ce coin là, c’est sympa, ça le détend. Il sait que les elfes n’aiment pas trop que les humains construisent dans la forêt, il ne veut pas d’ennuis avec eux, il dit donc, un peu trop vivement, à son chambellan : « Construisez moi une cabane de chasse dans la forêt, à la mesure de ma royauté évidemment, mais restez discret, je connais les elfes, ils vont mal le prendre ». Le chambellan n’est pas bien sûr d’avoir compris le roi. Veut-il empiéter sur le territoire des elfes ? Veut-il construire une bâtisse monumentale à la frontière pour montrer sa puissance ? Il est bien embêté le chambellan et, première condition, il n’ose pas demander des explications. Il n’a pas envie de froisser le roi, alors il entreprend à son idée, il oublie aussi le « restez discret ». Il décide de faire construire un palais mais dans les limites du royaume. Trois jours plus tard, les elfes voient un groupe d’humain en train de déraciner des arbres près de la frontière. Une provocation pour eux! Ça c’est la deuxième condition. Les elfes ont interprété les intentions du roi. Et là on revient vers la condition numéro un, la communication. Les elfes ne vont pas aller demander des explications au roi. Pourquoi s’abaisser à dialoguer avec ces fourbes d’humain ? De toute façon ils font rien que nous embêter. On imagine bien la suite, les elfes trouvent malin d’aller saboter les travaux, les humains embauchent des mercenaires pour régler l’affaire, les mercenaires font du zèle et poussent la « mission de sécurité préventive » jusqu’au village elfe le plus proche, le détruisent et vendent les captifs à des esclavagistes, etc. Evidemment chacun s’estime dans son bon droit dans cette histoire… et chacun est le méchant de l’autre. Vos PJ pourraient très bien être dans un camp ou dans l’autre, sans douter de la légitimité de leurs actions.

  • Le méchant est victime de sa réputation. C’est ce qui découle en partie de l’exemple précédent. Là encore c’est une propension de l’âme humaine que de se nourrir de rumeurs et de jalouser son prochain. même si vos PJ sont des oies blanches, il faut bien se dire que les informations qu’on leur donnera ne seront sans doute pas toutes objectives. Dans l’exemple ci-dessus, imaginons que les PJ sont dans le camp des elfes. On va leur dire quoi ? Les humains ont emmené un village en captivité après avoir détruit des arbres et construit un palais juste à la frontière par provocation et tout ça sur ordre de l’infâme roi humain. La réputation du roi humain est faite. Tout ce qui sera dit sur lui sera amplifié, modifié, répété. De nos jours on appelle ça pudiquement les « cercles sociaux »…
  • Le méchant n’est pas tout seul. Le grand méchant archétypique est seul, il commande à une horde de sous-fifres mais il est seul à prendre les vraies décisions méchantes. Poséidon pour Ulysse, Sauron pour Frodon, Gargamel pour les Schtroumpfs. Il me semble intéressant de brouiller les cartes. Éminences grises, amis fidèles, maîtres à penser, fratries influentes, tout est bon pour que le méchant ne porte pas tout sur son dos solitaire. Peut-être même qu’il n’est responsable de rien ? Pour reprendre une fois de plus l’exemple donné plus haut, notre roi devient le méchant mais c’est son chambellan qui a commis quelques erreurs. D’ailleurs, qui nous dit qu’il ne l’a pas fait exprès ? Peut-être veut-il voir le roi perdre son trône après une guerre contre les elfes ? Peut-être est-ce les elfes qu’il veut voir exterminés ? Dans ce contexte on peut se reposer les mêmes questions pour le chambellan que pour tout autre méchant.
Méchant 3
Gargamel, méchant solitaire
(chat en option)

 

Voilà quelques options pour customiser votre méchant. Bien sûr rien n’empêche d’utiliser les ficelles traditionnelles, les joueurs aiment bien… et ça les rassure. Pour ma part je pense qu’un méchant bien travaillé en profondeur peut avoir des réactions surprenantes sans être illogiques et qui s’avéreront très intéressantes. Reprenons une dernière fois notre exemple : la guerre a fait rage entre elfes et humains. Le roi qui en fait s’avère être Bob, le prince Bob, celui qui est devenu roi en étranglant son père. Oui, il faut retourner quasiment au début de l’article, vous aviez presque oublié, allez, allez, pas d’excuse moi aussi je n’y pensais plus. Donc notre roi Bob est devenu le méchant de votre campagne, vos PJ sont les gentils au service des elfes. On aura vu que les elfes n’avaient pas été tout à fait francs, que le chambellan était un peu responsable, que les mercenaires humains n’avaient pas été très fins, que notre roi voulait être aussi inflexible que son père, d’où son obstination dans la guerre. Il avait juré de ne plus baisser la tête devant qui que ce soit depuis la mort de son père. On a vu tout ça. On touche à la fin de la campagne et les joueurs n’ont pas vu ce côté-là. Ils ont lutté contre ce pourri de roi humain qui leur a fait moultes crasses. Ils ne l’ont jamais rencontré mais forcément tout est de sa faute. Ils entrent dans le palais dévasté, les troupes d’elfes en finissent avec les dernières poches de résistance et eux entrent dans la salle de réception royale. Ambiance crépusculaire, incendie en fond de scène et bruits de bataille au loin. Les joueurs sont prêts à un combat homérique contre le vilain-big-boss de fin de niveau. Rassurez-vous, le but n’est pas de les priver de leur défouloir tant attendu mais de lui donner une tournure qu’ils n’attendaient pas. Bob le roi sait que c’est fini mais il veut mourir en roi, sans baisser la tête, donc en se battant (ouf ! le combat final aura bien lieu). Normalement, arrivé là, vous le connaissez bien votre méchant, vous devriez être capable de le faire tenir tête aux PJ, les faire douter de la justesse de leur cause. « Mais saviez-vous que les elfes sous le prétexte de défendre la forêt ont tué les charpentiers qui construisaient une baraque ?! Une simple baraque, et bien avant que la guerre ne commence… J’imagine que le roi des elfes avait oublié de vous prévenir ?! Vous saviez aussi que nos émissaires n’ont jamais été reçus par le roi des elfes qui s’est toujours cru supérieur à nous, faibles humains ? Non bien sûr, vous ne savez pas tout cela. Et maintenant vous arrivez à cinq face à moi pour m’assassiner.  Lequel d’entre vous aura le courage de m’affronter en combat loyal ? A un contre un sans magie comme de vrais chevaliers ! » A ce moment précis, vos joueurs peuvent avoir quelques doutes, surtout si, cerise sur le gâteau, Bob était connu comme le meilleur chevalier du royaume. Vos joueurs vont peut-être se montrer moins héroïques que prévu… Pour qu’il y en ait pour tout le monde, rien n’empêche votre roi d’avoir des champions ou des gros monstres à ses ordres mais qu’il enverra contre les autres PJ, histoire « d’équilibrer le combat ». A vous de décider. Lui restant en tête à tête face à son adversaire. Si vous voulez que vos joueurs ne meurent pas idiots, rien n’empêche le roi de livrer ses petits secrets dans ses derniers instants. C’est même préférable, je trouve dommage que le MJ ne finisse pas par partager certains secrets avec ses joueurs. Les joueurs apprécieront plus un PNJ complexe mais justifié en fin de scénario ou de campagne qu’un PNJ mystérieux au point de n’avoir rien compris de ses raisons d’agir.

Pour conclure, je vais vous livrer un petit secret : je n’aime pas les personnages trop manichéens, les gentils trop gentils et les méchants trop méchants. Que ce soit les personnages de mes lectures ou des films que je visionne. En tant que MJ j’ai du plaisir à construire un personnage avec des nuances de gris, ça prend un peu plus de temps mais c’est plus agréable à faire vivre. Ça ne marche pas à tous les coups mais vos joueurs devraient prendre autant de plaisir à affronter des personnages complexes que vous en avez eu à les créer.

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Les métiers 2 : le travail du cuir

Les métiers 2 : le travail du cuir

J’ai choisi une activité générique qui regroupe plusieurs métiers spécifiques essentiellement rencontrés dans les mondes moyenâgeux mais qui peut être transposée dans d’autres univers.

On regroupera souvent ces métiers sous l’activité « Travail du cuir » moins restrictive en termes de jeu que chaque métier détaillé. Si ces métiers paraissent anodins, ils ouvrent pourtant d’intéressantes possibilités de création.

En détaillant on a les métiers suivants :

  • Le cordonnier fabrique et répare les chaussures.
  • Le bourrelier* travaille la bourre et le cuir : c’est de la peau tannée de bÅ“uf, veau, chèvre, âne ou mouton. Il était présent dans tous les villages et travaillait aussi bien le cuir, la laine que les grosses toiles. Il fabriquait et réparait tout le matériel comme les licols, les harnais, les capotes, les bâches, les tabliers et les besaces des éleveurs et utilisateurs de bovins et d’équidés. Il pouvait aussi fabriquer des matelas et autres accessoires.
  • Le sellier garnisseur* est un artisan qui a une formation de couturier et qui peut fabriquer tout article en cuir, en tissu et en bâche – le cuir étant son matériau de prédilection. Le métier se rapproche du métier de tapissier et de maroquinier. Parfois des emprunts au métier de carrossier et de menuisier sont nécessaires à l’accomplissement de sa tâche. Héritiers du sellier harnacheur et du bourrelier, ils sont garnisseurs depuis l’apparition du carrosse.
  • A cela on peut ajouter la confection d’armures et de vêtements en cuir et la maroquinerie, soit si le PJ connait le métier de tisserand soit si le MJ est large d’esprit.

*Les définitions sont en partie reprises de Wikipédia.

En partant du postulat que votre système de jeu comprend le talent « Travail du cuir » voilà son contexte de jeu en regroupant les trois métiers décrits ci-dessus :

  • Lieu : en ville ou dans des villages de taille moyenne. Rarement dans de petits village, et rarement isolé car il ne trouve pas de client. Si le travailleur du cuir pratique lui même le tannage il sera soit dans un quartier spécifique soit à l’écart du centre ville près d’un cours d’eau car le tannage utilise des produits malodorants et nécessite de l’eau pour le nettoyage et l’évacuation des déchets.
  • Matériel : suivant la spécialité, tout un tas de petit matériel est nécessaire : marteaux, couteaux, racloirs, poinçons, clous, etc. Du plus gros matériel est utilisé pour tendre les peaux – cadres –, moules en bois pour les chaussures, tréteaux pour poser des selles, etc. En termes de jeu, on peut imaginer une trousse à outils portable de quelques kilos pour de petites réparations ou créations mais la plupart du temps il est nécessaire d’utiliser un atelier complet. Il s’agit d’une activité sédentaire plutôt réservée à des PNJ ou des campagnes se déroulant autour d’une seigneurie ou d’un village si c’est le métier d’un PJ.
  • Activités en amont : éleveurs, chasseurs, tanneurs, forgerons et menuisiers – pour le matériel. Il ne faut pas perdre de vue que si ces activités ne se pratiquent pas dans la région, il faut faire appel à des négociants qui livreront des peaux.
  • Activités en aval : marchands ambulants, graveurs – pour la décoration des pièces prestigieuses –, forgerons – avec qui il travaille souvent de concert pour les harnais, les armures, les boucliers, etc –, carrossiers. En résumé, dès qu’un autre artisan a besoin d’une pièce en cuir il passe par lui.
  • Activités globales : la ville et son quartier des artisans, des contacts pour obtenir des cuirs rares – des aventuriers chasseurs de monstres ou la guilde des marchands par exemple –, une clientèle à l’échelle de ses compétences et de ses connections. Cela peut aller des paysans à qui il fournit des harnais en passant par l’armée pour qui il fabrique armures, carquois et fourreaux jusqu’à la haute noblesse qui lui commande la garniture de ses carrosses.

Pour un PJ, c’est une activité qui a peu d’intérêt direct. Financièrement l’argent généré est moindre, le talent sert peu dans les scénarios. Par contre, comme pour beaucoup de métiers, celui-ci représente un avantage par les contacts qu’il apporte. Les contacts et les renseignements qui peuvent en découler :

– Pourquoi le Duc a fait fabriquer dix armures de cuir taillées pour des trolls ? Bob a le privilège d’entrer au château pour prendre les mesures de ces étranges invités que personne n’a encore vus.

-Les paysans de cette contrée reculée sont peu amènes, nous allons avoir du mal pour notre enquête. Pas de problème, Bob leur répare les harnais de leur charrue et engage la discussion avec eux.

-Bob a fabriqué les sacoches de selle du grand chambellan avant son départ pour la frontière maudite. Il a eu pour consigne d’y adjoindre des poches secrètes. Evidemment seuls le grand chambellan et lui le savent. On n’est pas obligé de le voler mais rien ne nous interdit d’y jeter un Å“il lors de la pause de midi…

Il peut être sympathique qu’un personnage chasseur et pratiquant le travail du cuir, tue une créature et se fabrique une pièce d’équipement avec la peau de celle-ci. Bob est très fier de sa selle en cuir de manticore et de son fouet fait avec la queue du monstre se terminant par une épine de corne. Il n’est pas prêt d’oublier son combat homérique et en impose à ses interlocuteurs.

Un MJ tracassier ou facétieux peut prendre du plaisir à expliquer que « les chausses que vous portez sont inutilisables au bout de 300 km de trajet. Vous allez devoir finir le trajet les pieds nus et ensanglantés. Personne n’a pris de chausses de réserve ? Ah ! Ah! Ah ! ». Et là, Bob sort sa trousse et bricole des semelles pour tout le monde. La princesse qui fait partie de l’expédition regarde ce brave Bob avec une lueur dans les yeux : « Cette homme vient de m’éviter l’humiliation pour mon retour au pays, dommage qu’il ne soit pas de noble condition… ». L’honneur ne tient parfois pas à grand chose.

Atelier_Bourrelier_Matelassier
Atelier de bourrelier-matelassier

Image tirée du site http://ladombes.free.fr/Les%20musees/Vonnas-Musee_des_attelages.htm

Quelques pistes d’ambiance ou de scénarios mettant en scène le travail du cuir :

– Med-Fan :

  • Vous voilà prisonniers des redoutables barbares du grand nord. En tant qu’esclave, il faut être utile ou mourir. Chacun cherche sa place. Bob le mage, a qui l’on a brulé son livre de magie, sent que sa dernière heure ne va pas tarder. Il n’a jamais su faire grand chose de ses dix doigts. Heureusement, dans sa jeunesse il a travaillé comme sellier-bourrelier auprès de son père. Le talent était presque effacé de sa feuille de personnage tellement il s’en servait. Au dernier moment il se jette au pied du barbare qui confectionne les pièces de cuir de la tribu et se met à son service. Trois mois plus tard il est toujours vivant et a gagné la confiance d’Hulf Cuir-Tendre. Il a appris à confectionner les canoës de cuir que la tribu utilise pour la pèche quand fondent les glaces. Les beaux jours arrivent, il va être temps de fausser compagnie aux barbares…
  • A la capitale on trouve la « rue d’en bas » où exercent les tanneurs, les teinturiers et les bouchers. Leurs commerces se trouvent le long de la rivière. De nombreuses embarcations s’arrêtent là, au milieu des odeurs nauséabondes et des carcasses écorchées. La rue est encombrée de chariots et de troupeaux. Aux insoutenables odeurs s’ajoutent les cris des animaux qui sentent la mort autour d’eux. Juste au dessus se trouve la « rue d’en haut ». Quelques ruelles escarpées et des escaliers couverts d’immondices relient les deux rues. Dans la « rue d’en haut » se trouvent les artisans du cuir et les grossistes en vêtements – qui viennent d’être teints dans la « rue d’en bas ». L’odeur y est à peine plus supportable. Tout ce qui se fait en cuir passe par là. Les divers métiers concernés viennent s’y fournir. La foule y est aussi dense mais d’un niveau social un peu plus élevé. C’est dans ces deux rues que se cache la guilde d’assassin « La lanière ». Milieu cosmopolite en apparence il n’en demeure pas moins fermé. Les PJ vont devoir s’y faire une place ou s’infiltrer, à moins qu’ils ne veuillent devenir membre de la guilde ? Une ambiance citadine où il peut être intéressant de placer un combat. Ruelles escarpées, foule, animaux, ateliers, des outils de toutes sortes pouvant servir d’armes et de temps en temps un chevalier venu chercher sa selle.

-Horreur :

  • La sacoche du mort n’a qu’un indice : le nom du maroquinier. Les investigateurs – ne cherchez pas d’où peut m’être venu cette idée d’appeler les Pj ainsi… Les rôlistes comprendront – se rendent chez le fabriquant. Celui-ci regarde la sacoche, livide. Il se souvient bien du commanditaire…
  • Le vieux cordonnier regarde la paire de chaussures que le groupe a trouvée dans le cimetière indien. « Moi j’vous répare pas ça ! C’est fait en peau humaine. J’peux même vous dire que c’est de la peau de femme. dans mon métier, v’savez, on touche jamais une femme sans penser à la douceur du cuir… Enfin d’la peau j’veux dire. »

-SF :

  • Le commandant montre une holoprojection : « C’est l’image d’un autochtone. Ne vous y trompez pas, l’accoutrement qu’il porte est en cuir de Monstroïde. Ca protège mieux que vos armures en plastmetal. J’en vois qui ricanent et qui aimeraient bien s’en approprier une. Un, c’est interdit comme tenue réglementaire. Deux, il faut déjà avoir fumé le gars qui la porte. Trois, les aliens les supportent mais les humains choppent le cancer de la peau en moins d’un an avec ça sur le dos. Maintenant les gars vous faites ce que vous voulez. A vos blasters lourds, la campagne pacificatrice commence ! »
  • « Sous la peau de cet alien se trouvent des glandes à venin. Ne touchez pas le corps, à sa mort elles se vident et vous risquez l’empoisonnement. Comment un simple spacemarines peut savoir ça ? Avant, sur ma planète d’origine, j’ai bossé comme cordonnier. Cordonnier, c’est un type qui fait des pompes en peau ; tout ne se fabrique pas en usine automatisé. Il y a des coins arriérés dans la galaxie, Bob ! »

On peut encore imaginer des objets en cuir aux fonctions bizarres dans des univers steampunk, des aventures de capes et épées autour du carrosse d’un noble ou les intrigues autour des chaussures de la fille du Shogun dans le Japon médiéval. Sans en faire un élément majeur de toutes vos aventures, le travail du cuir peut être mis en avant ponctuellement. Une activité qui parait anodine peut apporter des ressorts insoupçonnés à vos scénarios.

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L’héritage (partie 2)

Suite du premier article sur l’héritage.

L’héritage est générateur de jeu sous d’autres formes que sous celles de ce qui est directement reçu :

Les héritiers. Source de conflits inépuisables, l’héritage oppose les héritiers avant, pendant et après le legs. L’histoire des monarchies est pleine d’exemples de meurtres, empoisonnements, trahisons, reniements, mensonges en tous genres entre héritiers, voire entre les héritiers et le donataire. La guerre de Cent ans est un bon exemple de scénario de campagne au long terme. L’héritage convoité de chef à la place du chef peut se transposer dans un système nobiliaire, dans un milieu mafieux mais aussi dans un milieu où le titre de maître passe à l’apprenti le plus méritant ou le plus flagorneur.
La loi. Rien n’empêche d’imaginer des systèmes d’héritage complexes dans des univers fantastiques. La loi peut être dictée par des raisons magiques, religieuses, de vieilles coutumes qui n’ont plus cours ou toute idée farfelue qui vous semble créative en termes de jeu. Exemple : les guerriers de l’Ordre noir ne peuvent hériter de l’épée de leur père qu’après avoir porté leurs cendres au sommet de la montagne du Dieu de la guerre. Une fois en haut un rituel de purification sera fait pour ré-enchanter l’épée. Voilà un petit scénario qui peut être agrémenté par la quête des cendres du maître mort dans un endroit bourré de dangers. Ne pas le faire entraînera l’exclusion de l’ordre et la honte. Un suicide rituel peut-être ? Tiens, encore un héritage à problème !
Les gardiens de la loi. Dans des univers plus terre-à-terre on les appelle les notaires. Dit comme ça, on ne ressent pas le frisson de l’aventure. Mais une intrigue dans les milieux de ceux qui doivent faire respecter les vÅ“ux des morts n’est pas exempte de rebondissements intéressants. Pression, corruption, chantage, faux papiers, remplacement de papiers dans les coffres des gardiens de la loi, etc. Et pourquoi ne pas imaginer des univers où les gardiens de la loi ne seraient pas neutres mais auraient un droit de regard sur l’héritage et les héritiers ? Imaginez un notaire qui dirait « Je ne vais pas donner l’héritage à Bob, il a une tête qui ne me revient pas ». Ambiance assurée, surtout si Bob est rancunier et que le notaire est appuyé par la pègre.
Etre un gardien de la loi est une fonction que peuvent occuper les PJ.
Fausse identité. Usurper l’identité de l’héritier. C’est vilain mais ça peut rapporter gros. Dans une certaine mesure c’est le scénario du « Le retour de Martin Guerre ». Bénéficier de ce qui aurait dû revenir à un autre. Des joueurs entreprenants pourraient monter pareille arnaque. Les rebondissements et difficultés seront fonction des moyens d’identification de l’univers. Inversement les PJ peuvent être confrontés à un faux héritier usurpant l’héritage qui devrait leur revenir. Dans ce cas ce sera à eux de mener l’enquête.

Je ne prétends pas avoir fait le tour complet de la question mais j’espère que ces quelques pistes stimuleront votre créativité. Si de rigoureuses recherches ne vous rebutent pas, les ouvrages historiques, d’actualité voire juridiques peuvent contenir de précieux renseignements et exemples sur le sujet. La réalité surprend parfois plus que la fiction et peut agrémenter – avec sérieux ! – cet article.

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L’héritage (partie 1)

L’héritage

Et si vous héritiez d’un château hanté, d’un super-pouvoir ou d’une épée maudite? Le thème de l’héritage est récurrent en JDR. Il peut être un excellent point de départ pour votre scénario ou pour la création d’un personnage au riche passé. Entrez, asseyez-vous et procédons à l’ouverture du testament…
L’héritage peut prendre de nombreuses formes que ce soit sous l’impulsion du MJ ou sous celle des joueurs. Les exemples qui suivent sont donnés du point de vue du MJ mais ils peuvent être mis en place d’un commun accord MJ-Joueurs évidemment. L’héritage peut se décliner quel que soit l’univers. Il n’implique pas systématiquement la mort du légataire.

-A la création du personnage :
Cadeau de départ. Sans doute la ficelle la plus utilisée pour justifier la possession d’un objet de valeur, rare ou magique dans des systèmes avec des points de création. Pourquoi Bob, sdf, voleur de poules aurait cet objet magique dont la valeur équivaut au PNB du Mordor ? L’héritage bien sûr. On peut se contenter d’en rester là mais on peut aussi essayer de le justifier avec un peu d’écriture. Pourquoi Papy-le-mage a légué cet objet à Bob ? Quel secret, source de problèmes –  et de scénarios – se cache derrière ce don ? N’y a t-il pas un cousin jaloux ou un fidèle serviteur – Edgar dans les Aristochats, par exemple – qui  comptait sur cet héritage ? Forcément il reviendra, frustré et prêt à récupérer « son » bien.
Tous ensemble. Vous avez envie d’unir votre groupe dès la création ? Commencez la première aventure avec un héritage commun. Vos PJ sont des super-héros, le professeur X se retire dans un monastère tibétain en Corrèze et lègue sa base secrète à votre équipe en leur disant « Je ne vous demande que deux choses : luttez pour le Bien et n’ouvrez jamais la porte verte au fond du couloir ». Notez que le professeur X n’est pas mort, ça n’est pas nécessaire pour justifier l’héritage. Et il pourra revenir les engueuler quand ils ouvriront la porte verte.
Etre un gardien de la loi. Un PJ commence sa carrière comme responsable dans le système des héritages. Dans un monde réaliste on appelle ça un notaire. J’appelle ça gardien de la loi pour couvrir d’autres univers. Ça peut paraître rébarbatif mais ça donne accès à des connaissances et des moyens de pression ouvrant des perspectives de jeu – Voir les chapitres suivants.

-En cours de partie :
L’héritage lointain. Envie de bouger ? Un héritage à l’autre bout de la galaxie motivera les PJ quitte à devoir se déplacer pour le toucher. Attention d’être sûr que le déplacement motivera tout le monde au risque de voir le groupe se scinder. Inversement ça peut être l’occasion de justifier l’absence d’un joueur, son PJ est parti chercher son héritage. Quand il reviendra de ses vacances à Courchevel, son PJ ramènera un élément qui aidera la suite du scénario ou compliquera celui-ci selon vos besoins de MJ.
L’héritage qui entraîne une quête. Le gros truc à tiroir. Ca commence par une enveloppe, que l’oncle qui a été faire fortune en Amérique du Sud, a légué. Dans l’enveloppe une clé d’un coffre à Buenos Aires et un mot « Bob, mon neveu favori, ne laisse pas cet héritage entre de mauvaises mains, l’avenir de l’humanité en dépend ». Et zou, c’est parti ! Buenos aires, le coffre, des agents secrets, des plans secrets, des poursuites, etc. Là encore il faut être sûr que tout le groupe suivra. Si vos PJ ont des intérêts ou des ennemis en communs, utilisez-les. Si dans l’exemple précédent Bob et ses copains n’aiment pas les Nazis – si vos joueurs sont normalement constitués, les Nazis constituent des ennemis de bon aloi – rajoutez dans la lettre de tonton « Si tu reçois ce courrier c’est que les Nazis ont eu ma peau ». Ca devrait les chauffer…
L’héritage conditionnel. Vous ne l’aurez que si vous faites un truc bien précis. Ca ressemble à la mission classique. L’intérêt par rapport à la mission classique étant qu’on peut impliquer plus d’irrationnel : un héritage énorme ou inconnu, une mission impliquant des enjeux affectifs, le commanditaire mort n’est plus là pour répondre de la mission qu’il propose.
L’héritage conditionnel II. Vous ne le gardez que si vous respectez les volontés du disparu, volontés concernant un être vivant, un acte à faire régulièrement ou toute autre condition qui peut briser le droit à l’héritage. Vous aurez droit à l’héritage – conséquent évidemment –  si vous vous occupez de mes 101 dalmatiens sur 7 générations / tant que vous assumez le poste de Gardien du Royaume / si tous les ans vous allez fleurir la tombe de Lénine / tant que vous êtes en paix avec les Huns / jusqu’à la majorité de mon irascible fils… elfe. L’héritage s’applique sous condition et dans le temps.
L’héritage partagé. Prenez un truc indissociable et donnez-le à deux personnes ou groupes qui n’ont pas vocation à aller ensemble. Léguez la cité aux milles tours au Prince-PJ et au Prince-PNJ, les deux étant des ennemis héréditaires ou plus simplement ayant des idées opposées – un religieux et un athée ou un philosophe éclairé et un militaire autoritaire.
L’héritage qui ne se refuse pas. La plupart de ceux décrits auparavant peuvent se refuser ou être abandonnés mais on peut bénéficier d’héritages dont on ne peut se défaire : souvent de nature magique, divine, surnaturelle ou dans des contextes où les lois ancestrales ne peuvent être bafouées. Le familier magique qui passe du maître à l’apprenti, l’élu divin qui doit guider le peuple – c’est un peu dévoyé mais c’est une forme d’héritage tout de même –, la malédiction ancestrale qui perdure sur plusieurs générations, le titre de noblesse qu’on ne peut refuser.

A suivre…