Les carnets du capitaine Gordon 3ème partie
Deux aventures pour le prix d’une ! Le groupe se scinde en deux comme dans les mauvais films d’horreur. Mais l’ambiance reste potache, Serenity est un univers – et une série télé – plutôt légère.
Première équipe (1) : mademoiselle Abby et monsieur Pills décident d’entrer en contact avec Hector Dugan, notre intermédiaire arrivé sur le vaisseau le Wild Star, actuellement en prison. Nos deux partenaires mettent au point un plan dont la subtilité égale la discrétion. Monsieur Pills attire les gardes en subtilisant un engin de chantier et en défonçant les grilles de la prison pendant que mademoiselle Abby y entre discrètement pour rencontrer monsieur Dugan. Le plan se déroule à merveille, monsieur Pills usant de substances toxiques mais néanmoins suffisamment puissantes (2) pour lui permettre d’attirer les gardes et de prendre la fuite à une vitesse surhumaine. Il s’arrête de courir à 2 km de la ville après avoir perdu le fil des événements. La méthode est discutable mais efficace.
Mademoiselle Abby n’obtient pas grand chose comme renseignements, notre contact ne sachant pas pourquoi il est emprisonné, il soupçonne juste que le gouverneur doit tremper dans quelque action illégale. On s’en doute un peu mais laquelle ou lesquelles ?
Deuxième équipe : Monsieur Bleu, monsieur Cooper et moi-même partons vers la comète récupérer le chargement minier. Comme le temps nous est compté mes deux compagnons « poussent » un peu le vaisseau (3). Il en résulte un atterrissage qui laisse des traces sur la coque. Après leur avoir rappelé avec tact mais fermeté que ce vaisseau n’est pas à nous, ils s’engagent à le rendre en état à notre commanditaire. J’ai toujours un peu de mal à leur faire prendre conscience du sérieux de notre mission, je suis dubitatif sur notre capacité à paraitre crédible lors de notre livraison, si elle a lieu un jour. Mais je ne me laisse pas démoraliser pour si peu !
La station minière où nous nous posons comporte un dôme sous lequel nous découvrons… une cabane entourée d’un potager, de quelques arbres et d’une mare digne des clichés les plus éculés traitant de l’ouest profond (4). Pour rester dans l’ambiance nous sommes accueillis à coup de fusil de chasse par des autochtones que l’on pourrait qualifier de ruraux. Ce sont les propriétaires de la mine. S’en suivent des négociations pour qu’ils nous livrent le chargement. Leurs manières rustres découlent du fait qu’ils attendaient leurs transporteurs habituels et pas nous. Heureusement, avec flegme je dois le dire, j’arrive à les convaincre de nos bonnes intentions. Nous repartons donc avec le bloc de glace chargé de matières rares que nous allons pouvoir livrer sur la planète Frisco. Pour arriver à un accord – et ne pas nous faire tirer dessus – nous acceptons de faire quelques achats pour les mineurs. Je compte bien leur faire payer un bon prix pour ce petit arrangement établi sous la contrainte (5).
J’allais oublier de mentionner deux détails cocasses : pour que le bloc de glace atteigne sa destination intacte il nous faut voyager avec le sas ouvert sur l’espace (6), ce qui laisse encore présager des incidents à venir. La planète Frisco où nous nous rendons est sous embargo de l’Alliance, nous effectuons donc un transport illégal. Bien évidemment, pendant ce temps notre mission principale n’avance pas. Mais tout va s’arranger, certes, certes…

Notes :
1- Le capitaine Gordon ne faisant pas partie de ce groupe, sa narration de l’action est donc succincte et parsemée d’approximation, les événements lui ayant été rapportés par les deux protagonistes et quelques renseignements glanés auprès de témoins oculaires.
2- Le joueur n’a pas une liste précise des drogues dont il dispose avec quantité, effets, chances d’addiction, etc mais c’est bien plus ludique de ne pas gérer ce genre de choses. Juste le plaisir de décider d’effets secondaires le moment venu. Pour avoir maîtrisé à Cyberpunk par le passé et avoir eu à gérer des règles complexes sur les drogues que j’avais concoctées – les règles, pas les drogues -, je peux vous dire que c’est plus de soucis que de plaisir de jeu.
3- Le MJ n’a pas eu besoin de nous donner de contraintes, nous les avons mises en place nous-mêmes. Bricolages, atmosphère à risque autour de la comète, manÅ“uvres complexes, etc, le MJ s’est contenté de gérer les jets de dés sans trop de détails. Les descriptions et interventions des uns et des autres ont rendu la scène plaisante.
4- Il y a des contextes de jeu où il ne faut pas rechercher le réalisme à tout prix. Comme je le disais dans l’introduction, Serenity se veut un jeu léger. Cette légèreté tant au niveau des règles que de l’ambiance évite aussi toute « prise de tête » entre les joueurs. Un pur moment de détente.
5- A aucun moment nous n’avons donné de sommes ou fait de calculs d’apothicaire, encore un moyen de fluidifier le jeu. Mais comme la situation nécessite de gagner de l’argent, nous jouons le jeu et essayons d’en gagner le plus possible, quitte à créer des rebondissements à problème. Le capitaine Gordon est censé négocier et faire le tampon avec les autres personnages qui sont plus insouciants. On obtient ainsi un fonctionnement ludique intéressant.
6- On pourrait se poser des questions sur la logique de l’action mais nous ne faisons pas de la hard science, donc faisons abstraction de la cohérence de tout ceci.
Non, mais…
Non, mais…
Quand on utilise le hasard des dés dans une partie de jeu de rôle, la malchance des joueurs entraîne parfois des situations frustrantes et inintéressantes. Une solution constructive, empruntée au jeu « Wastburg »* est ce que j’appelle le « Non, mais… ».
A l’ancienne : des règles et des dés
Ma réflexion vient d’une partie du « Trône de Fer »** ou trois de mes joueurs participaient à un tournoi.
J’avais prévu les adversaires et les différentes phases de combat par lesquels ils allaient passer. Statistiquement deux au moins devaient aller assez loin.
Habituellement nous utilisons parcimonieusement les règles. Par soucis de commodité, pour l’occasion, j’avais fait une règle simplifiée pour ne pas noyer la partie sous trop de jets de dés. Pour le personnage moins expérimenté, j’avais décidé d’utiliser la règle complète vu qu’il était faible et que seul de bonnes décisions additionnées d’un coup de chance lui permettraient de remporter une joute.
Loi de Murphy
Nous voilà tous prêt pour un moment épique, tout en favorisant la narration sur les jets de dés, comme nous aimons le faire. Et là , patatras ! Les bons jouteurs perdent suite à de mauvais jets et le PJ faiblard fait carrément un raté critique, blessant le cheval adverse et l’excluant du tournoi.
Au fur et à mesure de la partie, face à la malchance incessante de mes joueurs, j’ai dû faire face à un dilemme auquel je n’ai pas trouvé de réponse satisfaisante. Et, conséquemment, que j’ai mal réglé.
Le dilemme
Les échecs répétés de mes joueurs mettant à mal l’ambiance épique et l’intérêt du tournoi je me trouvais face à deux choix – du moins, ai-je cru qu’il n’y avait que deux choix – :
Mauvaise solution
Tricher aurait servi à quoi ? Si les joueurs s’en étaient rendus compte, ils auraient été désabusés. Qui plus est, cela n’aurait été qu’un compromis pour faire durer le tournoi. J’ai donc choisi d’appliquer les résultats et me focaliser sur les autres événements. Mais au bout du compte, j’ai eu le désagréable sentiment d’avoir mal géré la partie. Mon intransigeance et l’utilisation de la règle dans toute sa rigidité étaient la cause de mon échec. Il ne me restait plus qu’à trouver une solution me satisfaisant pour d’autres parties de ce type.
Une alternative constructive
Après réflexion, je me suis souvenu d’un point de règle du jeu Wastburg : lors d’un échec il est possible d’avoir un résultat du type « Non, mais… ». Une façon élégante d’annoncer un échec en laissant la porte ouverte à un rattrapage ou à d’autres possibilités.
Je me suis également souvenu d’une règle de base d’improvisation théâtrale, celle de l’acceptation. Dire non à une proposition met fin à l‘histoire. L’acceptation donne plutôt une réponse du type « Oui, mais… » Néanmoins l’esprit est le même : pour permettre à l’histoire de continuer, il faut laisser une porte de sortie au joueur.
Mise en pratique
Dans le cas qui me préoccupe, j’aurais dû, lors des échecs, augmenter la tension tout en laissant la possibilité aux joueurs de se rattraper : « Tu es touché, gravement choqué, mais tu récupères alors que ton adversaire se pavane sous les applaudissements de la foule. Ces quelques instants de répit sont salvateur pour toi. De plus l’adversaire, mis en confiance, baisse un peu sa garde. »
Autre possibilité : « ton bouclier explose sous la violence du coup. Tu n’as rien mais tu comprends que tu as affaire à un adversaire coriace. » En résumé, mauvais dé, mais…
Dans tous les cas, seul compte le résultat du dé du joueur, celui qu’il voit, celui qu’il a jeté. C’est ce dé qui déterminera la réussite ou l’échec mais un échec avec la possibilité de se racheter. Un échec qui ne doit servir au MJ qu’à accentuer le côté dramatique et épique… Pas à faire passer les PJ pour des guignols incapables.
Derrière son paravent, le MJ peut toujours jeter des dés pour avoir un ordre d’idée de l’action de ses PNJ – du bruit derrière le paravent comme disait Gary Gigax – mais la partie n’en sera que meilleure s’il privilégie l’histoire au hasard.
Vous allez me dire « A quoi servent les règles dans ce cas ? » Selon moi, elles ne servent qu’à donner un cadre, une échelle, à éviter les débordements. Si on fait le parallèle avec un bâtiment, la règle représente les murs et le toit, mais l’aménagement intérieur est de la responsabilité de ses occupants, le MJ et les joueurs en l’occurrence.
*Wastburg. Jeu de rôle adapté du roman de Cédric Ferrand. Edition les XII Singes
http://www.les12singes.com/wastburg/12-wastburg.html
**En utilisant les règles largement modifiées de Le Jeu de Rôle du Trône de Fer (éditions Edge Entertainment)