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La création d’un univers

La création d’un univers

 

Tels des dieux éternellement insatisfaits, les maîtres de jeu ne se contentent pas des univers existants mais finissent souvent par créer leur propre monde. 

 

Au cours de la courte mais dense histoire du jeu de rôle, nombre de grandes sociétés d’édition ont proposé des mécaniques et des conseils pour créer un monde complet ou plus modestement un pays, une province ou une ville. 

Un des premiers exemples qu’il m’ait été donné de lire est le « Campaign law » de Rolemaster, dont on peut trouver la présentation sur le GROG

Dans tous ces ouvrages, on trouve les thèmes habituels : cosmogonie, géographie, peuples, cultures, faune (dont les inénarrables bestiaires monstrueux !), flore, politique, économie, etc. Il est alléchant, à partir de cela, de se lancer dans la création, surtout qu’en général, nous prenons un système que nous apprécions, voire des règles maison.

 

Voilà ce qui vous attend si vous vous lancez dans l’aventure en partant de zéro (ou presque !).

 

Une bien belle carte. Voilà un MJ bien inspiré ! Espérons que l’univers de jeu soit riche…

C’est parti pour la genèse !

 

Au début, vous êtes pris dans l’euphorie créatrice. Les idées sont là et vous entamez les chapitres qui vous inspirent le plus. Qui la cosmogonie, qui l’histoire ou la géographie. Et, si vous êtes comme moi, que vous aimez la cohérence, tous les éléments se relient entre eux. Pourquoi tel peuple habite là ? Comment la magie se justifie ? Que sont devenus les dieux ? Et les prêtres, leurs rituels, la foi, les ordres religieux ? Où vivent tous ces gens ? Ah, oui, faire une carte ! Non, des cartes ? Puis les villes, etc, etc.

Dans le même temps vos joueurs vous demandent « Quand est-ce qu’on joue à ton jeu ? » Vous faites des annonces, vous revoyez votre calendrier et la tache prend des proportions… divines. C’est à ce moment là que vous vous demandez si vous n’avez pas voulu trop bien faire, si tout créer n’était pas trop ambitieux. En général, deux options s’offrent à vous : abandonner ou commencer votre jeu avec des trous immenses, des gouffres que vous vous promettez de remplir au fur et à mesure. Finalement, vous vous rendez compte qu’être un dieu n’est pas si simple.

 

Si vous voulez mon avis, ce n’est pas la bonne méthode pour commencer. Au lieu de partir de l’extérieur du cercle pour vous rapprocher du centre, là où se trouvent vos joueurs, il vaut mieux faire l’inverse. Mais pas n’importe comment.

 

Sur ce coup-là, on sent le bricolage fait à la va-vite.

C’est reparti… mais avec modestie.

 

1- Commencez par deux-trois grandes idées sans entrer dans le détail. Si vous décidez, par exemple, que les aventures se dérouleront dans un pays sauvage mais où la religion a beaucoup d’importance, faites un point focal sur la faune, la flore et la religion. Pas la peine de vous lancer dans les mœurs de l’aristocratie que les PJ ne découvriront qu’on bout d’un voyage de 500 km.

 

2- Créez ce qui entoure les personnages de vos joueurs. Dans cette optique, faîtes un groupe cohérent culturellement et géographiquement, cela vous évitera de trop vous éparpiller. Là encore entrez dans le détail de ce qui peut intéresser vos joueurs. Si l’un d’eux joue un forgeron, il peut être sympathique que vous réfléchissiez à l’histoire des fameux Forgelames et de leurs traditions. S’il y a un archer, il aimera sans doute connaître la faune qu’il pourra chasser, les arcs spéciaux qu’il peut acquérir. Rien ne vous empêche de lui parler des arcs divins des prêtres des Hauts Plateaux, sans pour autant entrer dans le détail si vous êtes sûr que ce n’est pas accessible à court terme. Cela lui fera – et à vous aussi ! – un but pour l’avenir.

 

3- Si vous aimez les cartes – Personnellement, c’est ma marotte ! -, faites en une de la région proche, là où évolueront les PJ dans les premiers scénarios. Vous pouvez tracer grossièrement la géographie globale du continent où ils se trouvent, histoire de placer les grandes zones climatiques et les pays voisins mais ne vous fatiguez pas à entrer dans le détail, il est possible qu’ils n’aillent jamais là où vous l’espérez.

 

4- Jugez du degré de précision qu’attendent vos joueurs et de leurs pôles d’intérêt. S’ils aiment les interactions sociales, travaillez la psychologie de vos PNJ en profondeur, s’ils préfèrent l’action… travaillez plutôt leurs capacités de combat. Si vous estimez que certains éléments sont importants mais que vous savez pertinemment que vos PJ ne vont ni s’y intéresser ni interagir avec, contentez vous de quelques notes que vous garderez pour vous.

 

5- Quels que soient vos choix, posez-vous toujours la question du pourquoi et du comment afin que ce que vous inventez fonctionne avec le reste du monde – J’ai fait un article sur le sujet « Toujours se demander pourquoi » -. Le but n’est pas d’éliminer la part de fantastique mais de faire que l’univers tienne debout avec cette part d’irrationnel. Dites-vous que, dans votre création, le commun des mortels doit pouvoir vivre, construire, se reproduire, etc. Pensez aussi à l’équilibre et à l’intérêt ludique. Si vous décidez que les démons peuvent descendre sur votre monde et tout ravager, ayez une bonne raison justifiant leur venue. Y a-t-il des conditions pour que cela arrive ? Comment survit le monde à pareil événement ? Cela créera-t-il du jeu ou, au final, allez-vous pourrir vos parties avec votre décision qui vous semblait au départ pertinente ? Est-ce l’ambiance que vous recherchez ? Et vos partenaires, qu’en pensent-ils ?

 

6— Piquez les idées des autres. Oui ! Vous m’avez bien lu. Si le concept d’un tiers est bon, usez-en. Il ne faut pas se le cacher, tout le monde se sert de l’existant. Que ce soit Zola qui s’inspire des mœurs de ses contemporains en passant par Gygax qui détourne les races du Seigneur des Anneaux, tout le monde a recours à ce qu’il voit, lit ou écoute. Si utiliser la carte d’un autre jeu vous fait gagner du temps et qu’elle vous semble pertinente, et bien, allez-y. Évidemment, ce genre de détournement flagrant ne s’applique qu’au cercle privé d’un jeu amateur.

 

7— La réalité est pleine d’excellentes idées prêtes à être manipulées. Puisez dans l’information du moment, mais aussi, dans le passé. Les légendes arthuriennes ont une base historique avant de devenir l’univers mythique que l’on connaît.

 

8— Sans livrer tous les secrets de votre ouvrage, n’hésitez pas à solliciter l’avis de vos condisciples ou celui des créateurs/joueurs/fans que l’on trouve sur les réseaux sociaux. Il existe des groupes Facebook dédiés au jeu et ceux qui les fréquentent ne demandent qu’à vous aider. Soyez prêt à accepter la critique. Cela vous évitera de vous lancer dans des voies sans issue ou vers des concepts déjà en usage. S’il est bon de prendre les idées des autres, il ne faut pas non plus faire une copie conforme de l’existant.

 

9— Travaillez à plusieurs si la tâche vous paraît insurmontable. Le brassage des idées et les échanges boosteront votre créativité. De plus, certains préfèrent un domaine à d’autres, vous pourrez ainsi vous concentrer sur vos sujets de prédilection. Attention tout de même à être en phase avec vos collaborateurs au risque de faire échouer votre projet.

 

10— En guise de dernier conseil, ne perdez pas de vue votre plaisir. Même si vous cherchez le divertissement des autres, vous ne devez pas oublier le vôtre. Tout sera plus facile si vous attaquez votre œuvre avec enthousiasme… le tout avec un minimum de méthode !

Tuto Débutants 3. Créer son personnage. (partie 2 sur 3)

Tuto Débutants 3. Créer son personnage. (partie 2 sur 3)

 

Suite du tutoriel sur la création de personnage. Si les règles constituaient les limites, l’univers pourrait être comparé à l’armature qui soutiendra votre personnage. La prochaine fois, dans la troisième partie nous verrons la finition, ce qui rend votre personnage vivant, le rôle.

  • L’univers

Comme les règles, l’univers va vous imposer des limites qui peuvent enrichir votre jeu mais aussi être contraignantes. Adaptez vos envies à ces contraintes :

  • Quelles sont les lois sociales, morales et physiques du monde dans lequel on évolue ?

Trois questions en une.

  • Les lois sociales : prenons l’exemple d’un monde médiéval japonais où le samouraï a droit de vie et de mort sur ses inférieurs. Si vous jouez un marchand, ne soyez pas surpris, le jour où vous ferez le kéké, de vous faire trancher en deux par un porteur de sabre, qui peut être incarné par un autre joueur, même si dans la vraie vie c’est votre meilleur pote. Inversement, si c’est vous le samouraï, rien ne vous empêche d’agir de même puisqu’il en est ainsi dans ce jeu là. On voit bien la contrainte mais il y a derrière cela une richesse de jeu. : comment votre marchand va essayer de convaincre ou d’humilier ce seigneur qui peut l’occire à tout moment ? Plus simplement, il vous faudra accepter de jouer servilement parce que « c’est ainsi », c’est une notion qui sort de notre culture mais qui dans l’univers où vous jouez est tout à fait normal. Il est donc important de connaitre ces contraintes et de les accepter, ou de jouer un PJ qui peut s’en abstenir si elles vous paraissent impossible à jouer.
  • Les lois morales : le principe est le même que pour les lois sociales mais elles sont souvent plus discrètes et plus difficiles à interpréter. Exemple tiré d’une réflexion entendue par un de mes joueurs : « Moi en 1914, j’aurais déserté, je n’aurais jamais été me faire tuer comme les gars à l’époque ». Réflexion d’un homme du XXIème siècle. Mais à l’époque, la question ne se posait que rarement. Nourris par le patriotisme et les discours sur l’honneur de la patrie, les soldats allaient se battre sans rechigner, ou s’ils rechignaient, ils le gardaient pour eux. C’est ce que j’appelle une loi morale : à l’époque, la pensée majoritaire allait dans ce sens. On peut toujours jouer comme maintenant, ça n’est pas interdit mais si tout le monde agit ainsi on sort de l’univers imposé. Ca n’a plus grand intérêt. Après, le MJ ou le jeu peut imposer des lois particulières – voir la question sur l’ambiance – et dire, par exemple, que l’on joue la Première Guerre Mondiale avec une ambiance Pulp. Ok, pas de problème, le tout est de le savoir au début pour choisir son PJ en fonction de ce que l’on veut et que l’on peut jouer.
  • Les lois physiques : quand je dis physique, cela couvre aussi bien la physique naturelle que le niveau technologique de l’univers. Pour forcer le trait, disons que vous n’allez pas choisir d’être allergique à l’eau dans un jeu où vous incarnez des poissons. Où alors, il vous faut penser à une raison pour justifier de votre survie dans l’univers. C’est là que ça peut devenir intéressant au niveau de la création. Pour le matériel, c’est plus une histoire de rentabiliser votre personnage. Rien ne vous empêche de faire un spécialiste en droit humanitaire international dans un jeu post apocalyptique où s’entredéchirent des gangs de cannibales mais dites vous que si vous avez tout misé sur votre compétence vous risquez de vous ennuyer un peu autour de la table. Je ne suis pas pour la « rentabilisation » à l’extrême mais évitez de faire un personnage à côté de la plaque. L’expert en combat en armure de plaque dans un jeu sur la guerre du Viet Nam, cela n’est pas de l’originalité, c’est de l’anachronisme.
L'univers dans lequel on joue, un vaste monde qu'il est bon de connaitre pour ne pas être perdu.
L’univers dans lequel on joue, un vaste monde qu’il est bon de connaitre pour ne pas être perdu.

 

  • Quelle est l’ambiance du jeu en général ?

Elle dépend beaucoup des gens autour de la table mais la majorité des jeux essaient d’avoir une ambiance spécifique. Le plus connu est le mythique « Appel de Cthulhu » qui se veut être un jeu « d’horreur ». Rien n’empêche de le jouer autrement mais si l’on respecte les poncifs, on sait que ceux qui ne seront pas morts ont de bonnes chances d’être fous à la fin de la partie, le tout dans une ambiance années 30 (tout au moins pour la première version du jeu). Vous voilà fixés. Ne rêvez pas de jouer Indiana Jones, ça n’est pas l’ambiance, d’ailleurs les règles ne vous le permettront pas tellement. Ca sentira le gluant, les ombres mystérieuses, l’asile psychiatrique à chaque coin de scénario. Vous pouvez faire un personnage qui n’entre pas dans le moule, c’est d’ailleurs ce qui deviendra intéressant au bout de 2-3 parties archétypiques mais l’ambiance vous rattrapera inexorablement. Alors, pensez-y en créant votre PJ. A moins d’un MJ complaisant, pas la peine de passer des heures à préparer votre background en détaillant votre généalogie et la liste de vos copains d’études. Faites dans le léger. Quelques lignes suffiront… vu les chances de survie que vous aurez. A moins que ce ne soit votre plaisir. Mais si vous pestez dès que votre PJ fignolé meurt, arrêtez tout de suite, vous allez vous faire du mal.

L’ambiance dépend aussi de ce que votre MJ veut faire jouer dans l’univers : dans Eclipse Phase par exemple, un MJ peut choisir de vous faire jouer aux confins de l’univers où vous allez découvrir d’autres mondes ou choisir que tout se passera sur Mars. Dans les deux cas, il peut respecter à 100% l’univers mais l’ambiance sera totalement différente. Et vous ne ferez pas obligatoirement votre personnage de la même façon. Dans le premier cas, le personnage sera plus adapté s’il est porté sur les voyages, connait la planétologie, a des amis à bord du vaisseau dans lequel il est. Dans le second cas, ça sera plus intéressant qu’il ait des contacts parmi la population, qu’il connaisse les factions martiennes, etc. Attention, je ne dis pas qu’il y a de mauvais choix, tout est possible mais il faut être sûr que cela vous convienne, que vous preniez du plaisir à jouer. En étant trop à côté de la partie, vous augmentez vous chances d’une mauvaise expérience.

  • A quelle échelle joue t-on ?

Quand je parle d’échelle, je ne veux pas dire « jouer plusieurs PJ », même si c’est tout à fait faisable mais plutôt quelle est l’envergure des parties que le MJ veut faire jouer ?

Epique, petite échelle : vous êtes des héros qui passez votre temps à sauver le monde de dangers qui ne vous laissent pas le temps de vous souvenir de votre passé (j’avais déjà parodié le sujet dans l’épisode 5 de « Vous êtes dans une auberge »)

Survivaliste, petites gens : vous êtes un humble paysan qui tente de survivre dans un monde med fan ravagé par la guerre.

Grande noblesse : même monde que la ligne au dessus mais, là vous jouez les nobles qui déplacent des armées.

Petit pion (deviendra grand ?) : vous êtes un pilote de chasseur spatial du grand armada qui compte 200 000 chasseurs comme le vôtre. Un jour peut-être serez vous l’amiral de la flotte ?

Entité supérieure : vous êtes un dieu, peut-être même plus. Vous pensez création du monde quand d’autres pensent réélection au conseil de quartier. Vous êtes immortel.

On pourrait en mettre plein d’autres mais vous voyez ce que je veux dire : le personnage épique notera le nom des démons qu’il a combattu, le paysan fera la liste de tous les objets de sa cahute, le noble dessinera son tableau généalogique le pilote aura une fiche pour son vaisseau spatial et le dieu aura des projet sur plusieurs millénaires. Intervertissez les priorités des uns et des autres et vous verrez que ça donne des trucs ridicules. Evidemment que, si vous jouez un riche à million, vous n’allez pas détailler le nombre de pièces de cuivre que vous avez, par contre il pourrait être intéressant de connaitre la loyauté de votre personnel et la fourberie du conseil d’administration de la société que vous contrôlez. C’est une histoire d’échelle. Intéressez vous à créer dans votre background ce qui est à votre portée en premier lieu. Le reste viendra – peut-être – plus tard. Immiscez vous dans ce qui entoure votre personnage. Cela rejoint le chapitre sur les trois lois mais en y ajoutant ce qui touche au plus près votre PJ.

A suivre…