Tutoriel Débutants 1. Être maître de jeu.
Le jeu de rôles sur table, c’est traditionnellement un maître de jeu* et des joueurs. A cela s’ajoutent optionnellement des règles, des dés, des figurines, un plateau de jeu et de quoi écrire. Pour ce premier tutoriel, abordons le rôle délicat et primordial du MJ.
*Maître de jeu, meneur, guide, conteur, gardien des arcanes, game master, MJ, peu importe le nom, c’est celui qui anime la partie, qui connait l’histoire qui va être jouée, l’univers du jeu et les règles – enfin, en général…
Autour d’une table de jeu, celui qui va animer la partie me semble détenir le poste le plus délicat car bien souvent – trop souvent ? – c’est lui qui va exercer sa dictature sur la partie alors que son rôle est celui de médiateur entre les joueurs (et leurs personnages) d’un côté et le jeu de l’autre. J’utilise le terme « jeu » comme un package dans lequel je mets l’univers, l’histoire et les règles. Ce rôle de médiateur doit s’accompagner d’une grande souplesse d’esprit et d’une bonne capacité à improviser.

Vous voilà prêt à maîtriser une partie pour la première fois. Vous avez ingurgité un livre de règles que vous pensez bien connaitre, vous connaissez l’univers de jeu sur le bout des doigts, de la cosmogonie jusqu’à la couleur des dessous de vos PNJ, vous avez en tête tous les rebondissements du scénario que vous allez faire vivre à vos joueurs. Et pourtant, vous le verrez, rien ne se déroulera comme vous l’entendiez. Pourquoi ? Parce que vos joueurs voudront faire des choses auxquelles vous ne vous attendez pas. Et cela touchera les règles, l’univers, le scénario.
Peut-être qu’un des joueurs voudra étouffer un ennemi avec un coussin ou se lancer dans une poursuite en planche à roulettes dans des ruelles étroites alors que les règles ne prévoient pas ces cas-là ?
Peut-être qu’un autre voudra entrer dans un ordre religieux succinctement expliqué dans l’univers de jeu ?
Peut-être que le PNJ important sera tué par erreur dès la première scène ?
Alors que faire ?
La réaction la plus classique est le refus, l’opposition.
« Tu ne peux pas, ça n’est pas dans la règle ! »
« L’ordre religieux te refuse l’entrée. »
« Tu n’arrives pas à tuer ce personnage, d’ailleurs, il est plus fort que toi et c’est lui qui l’emporte. »
Ce n’est pas une bonne solution. Votre plus gros défi en tant que MJ sera d’improviser.
Le théâtre d’improvisation se base sur quelques règles tout à fait applicables à la maîtrise d’une partie de jeu de rôles. Les principales qui peuvent être reprises en JdR sont les suivantes :
- Écoute
- Acceptation
- Construction
Et bien sûr, improvisation !
1- Soyez à l’écoute de vos joueurs. Si vous n’avez pas une réponse immédiate soit vous le dites – car le joueur se doit aussi de respecter ces principes – et improvisez une solution en attendant de trouver une solution à tête reposée, soit vous en parlez avec vos joueurs pour voir comment résoudre le problème de façon constructive.
Exemple : votre joueur veut étouffer son adversaire avec un coussin. Votre jeu contient peut-être une règle pour maintenir un adversaire immobile et une autre sur la noyade ? Faites une combinaison. Réfléchissez aussi à l’intérêt de votre histoire : le PJ est un assassin confirmé ; s’il ratait, il aurait l’air ridicule. Est-ce que ça a un intérêt de le faire échouer ? Si ça n’est pas le cas, laissez-le réussir sans vous préoccuper des règles. Il sera toujours temps d’en écrire une par la suite si vous pensez que ça a une utilité. Mais dans l’intérêt de votre partie, ne négligez pas la demande de vos joueurs. Ils doivent sentir vivre leurs personnages, pas être les jouets d’une mécanique de jeu. Vous n’imaginez pas un film où l’on verrait les trucages, les micros, l’envers du décor : et bien là c’est pareil.
2- Dans une histoire, dire non, c’est arrêter le fil narratif. Accepter c’est avancer. Là encore il vous faudra certainement improviser pour répondre à la situation mais cela vaut mieux que de tout bloquer par un non catégorique.
Exemple : si un PJ veut entrer dans un ordre religieux dont vous ne connaissez pas le fonctionnement, acceptez. Quitte à gagner un peu de temps en disant que l’ordre ne vous recevra que plus tard, qu’il y a des épreuves secrètes qui seront révélées dans une semaine lors des cérémonies d’intronisation. Vous pouvez même avouer que vous ne connaissez pas le sujet et qu’il sera plus judicieux de voir ça la prochaine partie. Et pourquoi pas, demandez à vos joueurs d’inventer les lois, objectifs, épreuves de la religion en question. Après, rien ne vous empêche d’y ajouter quelques modifications pour ménager des surprises à vos joueurs. Mais dans tous les cas, ne refusez pas une idée.
Comme je suis contrariant et que mes propos sont des conseils non manichéens, je vais me contredire : il peut y avoir des circonstances de refus. Soit parce que le refus peut être constructif et représenter un challenge pour les personnages. Soit parce que votre joueur tente de faire quelque chose de totalement en désaccord avec le jeu. Dire « Je m’envole pour fuir le danger » alors que le personnage ne sait pas voler par exemple. Si vous refuser catégoriquement, c’est que vous avez un argumentaire imparable. Ne vous contentez pas d’un refus, expliquez, dialoguez. Si ça se trouve, votre joueur aura un contre-argument qui vous convaincra. « Ok, je ne sais pas voler mais nous sommes sur une planète à faible gravité et, vu que je suis un athlète de haut niveau, je pense que je peux me propulser avec suffisamment de force pour donner l’impression que je vole. » Si ça vous semble logique, acceptez.
3- Construire. Votre histoire ne doit pas donner l’impression d’être un rail rigide avec une unique direction.
Dans l’exemple de la mort du PNJ principal qui bloque votre scénario, vous vous retrouvez dans la situation du refus. Plus de PNJ, plus d’histoire. Deux options : passer à une autre histoire ou trouver un moyen de revenir sur votre rail – discrètement et subtilement. Dans l’exemple cité, votre PNJ décédé peut avoir laissé des indices écrits ou en avoir parlé à quelqu’un, une autre personne donnera un objectif similaire, votre PNJ n’est pas mort, juste blessé. Vous pouvez même considérer qu’il a été cloné, que c’est une illusion, etc. Parfois, cette solution alternative vous obligera à construire un rebondissement auquel vous n’avez pas pensé. Une possibilité serait qu’il a été ressuscité par un prêtre aux desseins obscurs qui vont modifier la finalité des objectifs. Bref, une fois de plus, ne paniquez pas et essayez d’en tirer profit.
Contrairement à beaucoup d’idées reçues et d’habitudes acquises le MJ n’est pas un arbitre psychorigide, maître de la destinée des joueurs, une sorte de Dieu tout puissant. Ni arbitre de match de foot, ni DRH, ni juge impartial. Il est l’intermédiaire, le médiateur comme je l’écrivais au début de l’article, entre les joueurs et le jeu. Il n’est même pas les rouages de la mécanique, il est l’huile qui fait que la mécanique fonctionne.
Pour conclure, si vous entamez vos débuts de maître de jeu, oubliez les concepts des jeux de société : les joueurs ne sont pas vos adversaires. Ne vous focalisez pas sur l’individualité de votre rôle mais partagez vos doutes avec les joueurs. Ne vous polarisez pas sur ce qui est écrit – règles, univers, scénarios. Et, même s’ils ne sont que le reflet de mon point de vue, testez mes conseils. Si, si, vous verrez : parfois ça marche ! Il m’arrive même d’appliquer mes propres théories…
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